L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 7 juin 1995 rompt avec une jurisprudence plus que centenaire en reconnaissant la possible validité de la cession des clientèles civiles. La Cour de cassation pose ce principe clairement, afin de couper court aux divergences d'interprétation jurisprudentielles des années 1990.
En l'espèce, par un acte sous seing privé du 28 décembre 1984, un praticien libéral et l'un de ses confrères ont conclu un contrat par lequel le premier s'engageait à présenter au second la moitié de sa clientèle, moyennant le versement d'une certaine somme d'argent. Notons que cette somme est pour le moins conséquente. Le 20 avril 1985, une société civile de moyens ayant pour objet exclusif de favoriser leur activité professionnelle était créée entre les deux parties. Le bénéficiaire du droit de présentation de la clientèle agit par suite en nullité des conventions conclues et réclama à son confrère la restitution des sommes versées ainsi que des dommages-intérêts.
L'action menée par le bénéficiaire du droit de présentation de la clientèle a donné lieu à un appel, dont la décision a été prononcée à la Cour d'Appel de Limoges le 10 mai 1993. Cet arrêt a fait droit à la demande du requérant. Le praticien qui s'était engagé à présenter au bénéficiaire de ce droit de présentation, s'estimant lésé, forme alors un pourvoi en Cassation de l'arrêt rendu par la cour d'Appel de Limoges.
[...] Ainsi, nous pourrons donc estimer que l'arrêt de 1995 ici étudié n'était que l' amorce d'un mouvement bien plus vaste concernant le droit de la cession des clientèles civiles. Nous pourrons aussi noter qu'en moins de dix ans, les principes en la matière ont été totalement repensés, ce qui semble être tout de même assez rapide au vu de la refonte du droit civil »qui s'étend depuis beaucoup plus longtemps droit civil en perpétuel chantier selon de nombreux doctrinaires). Finalement, l'article 1128 fait l'objet d'une interprétation très assouplie depuis quelques années, du moins, son contenu tend à diminuer d'une manière conséquente, telle que nous devons dès à présent nous demander si son sens réel tendra à peut-être un jour disparaître ? [...]
[...] La Cour de cassation réaffirme cela en disant que si la convention est valable, c'est du fait qu'elle est pour objet la présentation au praticien de la moitié de la clientèle du débiteur de l'obligation. Mais on ne peut forcer cette moitié de la clientèle à reporter sur le nouveau praticien toute la confiance qu'ils avaient en leur ancien praticien. Ainsi, ce dernier ne peut refuser de les prendre en charge sous prétexte qu'ils font partie intégrante de la moitié numéraire de la clientèle sur laquelle porte la convention. [...]
[...] Une habile qualification juridique de l'objet du contrat, la présentation de la clientèle Depuis des décennies, la jurisprudence semblait claire : nulle convention ne pouvait avoir l'objet d'effectuer une cession de clientèle civile, et ce, de manière inconditionnelle. Ceci s'expliquait par un certain respect du principe de l'autonomie de la volonté des clients, ou plutôt patients dans ce contexte, dans le libre choix de leur praticien. On estime en effet que la clientèle n'est pas un bien aliénable, qu'elle ne peut entrer dans le patrimoine d'un praticien, ce pour quoi il ne peut en disposer librement. [...]
[...] Elle a déduit ceci du fait qu'en l'absence de précisions dans la convention, tant sur le critère de sélection de la moitié de la clientèle concernée que sur la nature des moyens susceptibles d'être mis en œuvre par le débiteur de l'obligation, le contrat signé entre les parties avait, même indirectement, pour effet de tenir en échec le principe du libre choix du praticien par le patient, ce qui revenait donc à procéder à la cession de la clientèle civile. Cependant, le débiteur de l'obligation estime que la cour d'appel s'est trompée quant à l'objet des conventions qui n'était pas la cession de la moitié de la clientèle. [...]
[...] Si la convention s'avère licite lorsqu'elle a pour objet de présenter à un praticien une clientèle civile ; cette convention doit être soumise à un régime de conditions strictes pour éviter les abus liés à l'interdiction de la cession de la clientèle. Effectivement, il semble qu'il soit relativement aisé de sombrer dans cette dérive illégale. Une validité des conventions soumise à des conditions strictes Le principe en la matière est celui issu de l'autonomie de la volonté des clients (patients ici). [...]
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