Nous allons commenter l'arrêt « Desroches-Noblecourt », rendu par la 1re chambre civile de la Cour de cassation, en date du 6 novembre 2002.
Dans les faits, la société Clio « voyages culturels » a organisé un voyage culturel en Égypte avec la participation d'une très célèbre égyptologue, Mme. Desroches-Noblecourt. Ce voyage culturel a finalement du être annulé en raison de l'indisponibilité de Mme. Desroches-Noblecourt, indisponibilité due à une intervention chirurgicale.
Une des participantes du voyage, la dame Trémois, a assigné la société Clio « voyages culturels » en paiement de la pénalité prévue en cas d'annulation du voyage par l'organisateur, en plus d'un versement de dommages-intérêts.
Au niveau de la procédure, le 17 décembre 1998 en première instance, les juges du Tribunal de Grande Instance de Paris 15e ont fait droit à la demande de la dame Trémois, retenant que la maladie d'une personne âgée n'était pas imprévisible. Ce jugement sera par le présent arrêt cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6 novembre 2002.
[...] Pourtant, elle a précisé que lorsque la prévision de l'évènement ne saurait en prévenir les effets, la condition de l'imprévisibilité devait être effacée.La question d'imprévisibilité perd ici toute son importance, l'imprévisibilité n'est pas une condition autonome de la force majeure : elle est un indice de l'irrésistibilité, et lui est donc subordonnée.Le second rang que la condition d'imprévisibilité occupait dès l'origine de la caractérisation de la force majeure s'est vu confirmé, poussant à l'extrême la prééminence de la condition l'irrésistibilité.L'arrêt que nous étudions n'est donc pas surprenant, mais il a tout de même le mérite de mettre les choses au clair : on pourrait donc le qualifier d'arrêt de principe, bien qu'il ait été rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation, ce qui comme nous le verrons plus tard a son importance, lorsque l'on connait les discordes entre les première et deuxième chambres civiles de la Cour de cassation à ce sujet.Pour en finir avec cette question d'imprévisibilité, il convient de se reporter à l'arrêt en question : il faut bien comprendre que ce voyage est culturel, et organisé pour des gens cultivés. Il va de soi que l'on ne peut pas remplacer une égyptologue de la trempe de Mme Desroches- Noblecourt, qui pour tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin aux pharaons est évidemment irremplaçable. [...]
[...] Mais voilà, on remarque que la qualification classique de la force majeure perd de sa pertinence face à l'évolution de la force majeure contemporaine.A la lecture de cet arrêt, l'irrésistibilité effacerait même les deux autres conditions, et cela sans aucune réserve et on peut d'ailleurs noter que c'est la première fois que la Cour de cassation énonce que l'irrésistibilité seule caractérise la force majeure sans aucune réserve (en effet il lui était arrivé de déclarer que l'irrésistibilité de l'évènement caractérisait à elle seule la force majeure lorsque sa prévisibilité ne pouvait permettre d'empêcher ou prévenir les effets, mais elle y ajoutait deux sortes de restrictions, soit elle énonçait qu'il n'en était plus ainsi lorsque le débiteur pouvait normalement prévoir cet événement lors de la conclusion du contrat, soit elle décidait qu'il fallait alors que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l'évènement). Alors, les trois caractères cumulatifs qui caractérisent la force majeure, soit l'irrésistibilité, l'imprévisibilité et l'extériorité sont-ils sur un même pied d'égalité? Pour répondre à cette question qui sera notre problématique tout au long de l'analyse, nous étudierons dans une première partie l'évolution des différents caractères de la force majeure, puis dans une seconde partie les divergences de pensée qui persistent dans la caractérisation de cette force majeure contemporaine. [...]
[...] Elle se dispense ouvertement de l'imprévisibilité pour retenir la force majeure, et entre parenthèses elle se dispense tout aussi ouvertement du caractère d'extériorité, ce qui en soi n'a rien d'innovant, d'abord car en matière de maladie l'extériorité n'intervient pas, et en plus car cette condition a depuis longtemps été ignorée.Pour conclure sur ce point, on voit que cet arrêt qui aux premiers abords pourrait être qualifié d'arrêt de principe ne fait pas l'unanimité au sein même de la Cour de cassation. Cet arrêt n'aura donc pas eu les conséquences attendues, et ne lève pas le voile sur le mystère de la caractérisation de la force majeure.Vient le temps des critiques, on peut se demander si l'une ou l'autre de ces chambres qui n'arrivent pas à se mettre d'accord a raison, et ainsi savoir laquelle des deux écouter. [...]
[...] A titre d'exemple nous allons citer le plus caractéristique d'entre eux, rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 12 décembre 2003, où un glissement de terrain avait entrainé des dégâts sur un terrain voisin. Ici, la Cour de cassation avait décidé de suivre la décision de la Cour d'Appel qui avait rejeté le moyen tiré de la force majeure au motif que le gardien du terrain connaissait la dangerosité du terrain et les risques de glissement de terrain qui lui étaient associés. [...]
[...] Nous verrons donc dans un grand A le report de l'imprévisibilité au second plan, puis dans un grand B sera étudiée la stricte exclusion de l'extériorité. L'imprévisibilité de l'évènement reléguée au second plan Cette condition d'imprévisibilité suppose que pour qu'un élément constitue une force majeure, il est nécessaire qu'il soit imprévisible lors de la conclusion du contrat. Dès le début, l'imprévisibilité a été considérée comme la seconde condition pour caractériser la force majeure.Au fil du temps, la condition d'imprévisibilité a été happée, absorbée par la condition d'irrésistibilité. [...]
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