Le contrat synallagmatique entraine des obligations provenant des deux parties, ainsi, une interdépendance est établie et c'est cette réciprocité qui amène à des difficultés, notamment en ce qui concerne la résolution, entendue comme l'anéantissement rétroactif d'un acte juridique.
En l'espèce, Justand, huissier de justice, promet de céder son office à Debonte mais, dans les mois qui suivent, ne va pas donner suite à sa promesse, ce qui va amener le cessionnaire à introduire une action contre lui.
De plus, peu de temps après la conclusion du traité, une information pénale est introduite contre Justand à propos d'un abus de confiance qualifié de sa part, une procédure d'information qui se soldera par une ordonnance de non-lieu.
Ainsi, Debonte assigne Justand, devant la juridiction de première instance compétente, en résolution de la promesse de cession aux motifs que Justand n'a pas exécuté ses obligations découlant de cette promesse de cession. Cette juridiction va faire droit à se demande.
Justand va alors faire appel devant la cour d'appel de Douai qui, le 28 mai 1974, va rendre un arrêt confirmatif car, selon elle, Justand a empêché le déroulement normal des opérations de cession et a ainsi voué à l'échec toute démarche du cessionnaire Debonte.
Enfin, Justand abat sa dernière carte et forme un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois qui lui est imparti, et, le 4 février 1976, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Si le demandeur initial, à savoir Debonte, justifie son assignation et sa demande de résolution de la promesse de cession par le fait que Justand n'a pas exécuté les obligations qui lui sont propres, il se retrouve défendeur au pourvoi.
Ainsi, Justand, demandeur au pourvoi, conteste la résolution prononcée par les juges du fond parce que ces derniers ne pouvaient statué en raison de l'information pénale dont faisaient l'objet les griefs formulés contre lui, à savoir une affaire d'abus de confiance qualifié. De plus, son inexécution n'est pas fautive et donc la résolution d'un contrat synallagmatique ne peut pas être prononcée en vertu de l'article 1184 du Code Civil.
A contrario, Debonte réclame le maintien de la résolution de la promesse de cession prononcée par les juges du fond car ils étaient fondés à statuer d'une part, et parce que, d'autre part, peu importe que l'inexécution soit fautive ou non, la résolution d'un contrat synallagmatique peut être prononcée en vertu de l'article 1184 du Code Civil.
Ainsi, au vu du cas de figure présenté ici, il convient de se demander si un débiteur peut échapper à la résolution d'un contrat synallagmatique aux motifs que son inexécution n'est pas fautive .
A cela, la première chambre civile de la Cour de cassation a répondu, le 4 février 1976, de la manière suivante : ‘'Mais attendu que la résolution d'un contrat synallagmatique peut être prononcée en vertu de l'article 1184 du Code Civil, en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations, même si cette inexécution n'est pas fautive ;''.
Les conditions de la résolution pour inexécution (I), ainsi que sa mise en œuvre (II), vont venir apporter des éléments de réponse déterminants.
[...] Ainsi, comme le rappelle le doyen Carbonnier, l'obligation de chaque partie doit avoir une cause, et la cause de l'obligation de ces parties est l'obligation de l'autre. Chaque contractant exécute son obligation dans l'optique que l'autre en fasse autant. Cette réciprocité permet de maintenir l'équilibre du contrat, un équilibre qui cède lorsque l'une des parties n'exécute pas, ou exécute mal, ses obligations. Ainsi, la résolution du contrat va pouvoir être demandée car le cocontractant va ‘'préférer sortir de ce contrat qui bat de l'aile et le faire disparaitre définitivement''. [...]
[...] Ainsi, les juges rappellent leur fort pouvoir d'appréciation dans ce domaine, une appréciation qui se fait toujours in concreto. Pour qu'il y ait résolution pour inexécution tardive, il faut que le retard ait de graves conséquences car le simple retard ne pourra pas entrainer la résolution du contrat. Analyse législative : L'article 1184 du Code Civil a été créé par la loi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804. Ainsi il date de la création du Code Civil et semble avoir fait ses preuves dans la mesure où il n'a jamais été modifié depuis. [...]
[...] Mais au-delà de cela, cette appréciation judiciaire permet d'éviter des abus. En effet, si le juge n'intervient pas pour prononcer la résolution, ou surtout s'il ne procède pas à une analyse attentionnée de chaque situation qui lui est soumise, rien n'empêchera désormais un individu qui cherche ‘'à se dégager d'un marché devenu désavantageux'' selon le doyen Carbonnier. Il s'agit, en fait, pour cet individu malhonnête, de demander la résolution d'une convention en se cachant derrière des défectuosités mineures émanant de son cocontractant, simple prétexte pour ne pas exercer ses obligations propres. [...]
[...] En effet, ce dernier peut, dans un premier temps, demander la résolution, avec l'octroi de dommages et intérêts. Dans le cas où serait prononcée la résolution avec versement de dommages et intérêts, on se place dans l'inexécution fautive sous-entendue à l'alinéa deux du même article du fait de la gravité de cette sanction. A l'inverse, lorsque la résolution est prononcée sans s'accompagner de dommages et intérêts, il semble s'agir d'une résolution dont les torts réciproques ont été prouvés. Mais l'alinéa deux dispose, en sa seconde phrase, que ‘'la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts''. [...]
[...] Première chambre civile de la Cour de Cassation février 1976 : la notion de faute et de résolution pour inexécution Analyse Les faits A une date inconnue, Justand, huissier de justice, promet de céder son office à Debonte. Justand revêt donc la qualité de cédant, et Debonte, celle de cessionnaire. Dans les mois qui suivent, Justand est empêché de donner suite à sa promesse. Peu de temps après la conclusion du traité, une information pénale est introduite contre Justand à propos d'un abus de confiance qualifié de sa part, une procédure d'information qui se soldera par une ordonnance de non- lieu. [...]
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