La cause étrangère constitue un moyen d'exonération pour le débiteur. La force majeure en est une des variétés.
Le 25 octobre 2002, les sociétés EDF et Figeac Aéro passent un contrat. Les 15 et 24 juin 2004, la société Figeac Aéro a subi deux coupures de l'énergie électrique, « nécessaire à son activité industrielle », en raison de mouvements sociaux au sein d'EDF motivés par le projet de privatisation de ladite entreprise. Nous sommes donc en présence du manquement à une obligation contractuelle. La société Figeac Aéro assigne la société EDF en paiement de factures arriérées, et a reconventionnellement sollicité l'indemnisation de son préjudice.
La cour d'appel déboute la société Figeac Aéro de sa demande sur le fondement que l'inexécution contractuelle de la part d'EDF était due à un cas de force majeure déduit de la seule irrésistibilité des mouvements sociaux. Celle-ci forme un pourvoi en cassation sur le fondement des articles 1147 et 1148 du Code Civil. La Cour de cassation était amenée à déterminer les conditions d'existence d'un cas de force majeure, les critères requis pour retenir une telle qualification.
[...] C'est ainsi que la jurisprudence a admis que le vol à main armée n'est pas un cas de force majeure puisque le transporteur de fonds peut prévoir la survenance et prendre les mesures nécessaires pour l'empêcher (arrêt chambre commerciale 3 octobre 1989). C'est sur ce fondement que la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel, parce que celle-ci a admis que l'imprévisibilité n'était pas requise. C'est aussi, en cela l'apport majeur de l'arrêt : rappeler que l'imprévisibilité de l'événement est un des critères cumulatifs du cas de force majeure. Cet arrêt de la Cour de Cassation est la confirmation de la clarification jurisprudentielle opérée par l'assemblée plénière de la Cour de Cassation. [...]
[...] Il est important de noter que l'arrêt de la Cour de Cassation n'exige pas directement que l'événement soit extérieur au débiteur, caractère pourtant traditionnel de la force majeure. Cependant, nous pouvons considérer que l'extériorité a été admise de façon implicite, la jurisprudence considérant traditionnellement qu'en cas de grèves (en l'espèce les mouvements sociaux peuvent y être assimilés) lorsque la cause est externe à l'entreprise (ici la privatisation est nécessairement une décision gouvernementale extérieure à l'entreprise), la force majeure pouvait être retenue. [...]
[...] La solution de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation qu'applique strictement l'arrêt étudié paraît sévère pour le débiteur, qui ne pourra invoquer la force majeure que dans des cas très restreints. Cependant ainsi que le précise le professeur Stéphanie Porchy-Simon, un tel arrêt même si sa solution peut être contestée sur le fond, n'en présente pas moins le mérite d'unifier le concept de force majeure entre les différentes chambres de la Cour de cassation L'arrêt ici étudié fait une application stricte de cette clarification jurisprudentielle. [...]
[...] Les juges de droit rappellent que la nature imprévisible de l'événement qui empêche la bonne exécution du contrat est absolument nécessaire pour caractériser l'existence d'un cas de force majeure. Le caractère nécessairement imprévisible de l'événement L'imprévisibilité implique que l'événement ne pouvait pas être prévu par le débiteur. Si cela n'est pas le cas, le débiteur doit avoir pris les mesures adéquates pour empêcher la survenance d'un tel événement. Un tel critère est apprécié in abstracto par le juge. La cour d'appel a considéré que le caractère imprévisible de l'événement n'était pas requis lors de circonstances particulières, notamment lorsque celui-ci est irrésistible, inévitable et insurmontable De ce point de vue l'arrêt de la cour d'appel s'inscrit dans la tendance jurisprudentielle née de l'arrêt du 9 mars 1994 de la première chambre civile de la Cour de Cassation et confirmée par un arrêt du 6 novembre 2002 qui considérait que si l'irrésistibilité de l'événement est à elle seule constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d'empêcher les effets . [...]
[...] Sous l'impulsion de ce courant doctrinal, la 1re chambre civile de la Cour de Cassation a opéré un revirement jurisprudentiel et a considéré dans un arrêt du 9 mars 1994 précédemment cité qu'en cas de circonstances particulières l'imprévisibilité n'était pas requise. La chambre dans un arrêt du 6 novembre 2002, admis cette fois que l'irrésistibilité seule peut être consécutive d'un cas de force majeure. C'est dans ce contexte que l'assemblée plénière de la Cour de Cassation a le 14 avril 2006 clarifié la situation tant en matière délictuelle que contractuelle, en revenant à une conception traditionnelle de la force majeure. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture