En droit des contrats, la jurisprudence civile a toujours abordé la question des vices du consentement avec beaucoup de prudence, prenant aussi parfois le risque de surprendre la doctrine. C'est ainsi que l'évolution jurisprudentielle autour du dol n'a d'abord pas reconnu que le silence de l'un ou l'autre des contractants comme constitutif de dol. Puis les juridictions civiles ont opéré un revirement de jurisprudence par la publication d'arrêts qui reconnaissait un devoir d'information du contractant, mais dans certains cas seulement, surtout concernant les contrats entre un professionnel et un particulier lambda qui n'est pas connaisseur. Mais si le professionnel est tenu d'informer et n'a pas le droit de ne pas informer, il y a d'autres situations contractuelles où le devoir d'information s'est imposé.
L'arrêt Baldus du 3 mai 2000 présente ainsi l'intérêt de poser un nouveau problème à la jurisprudence. Les faits concernent ainsi une femme ayant vendu aux enchères des photographies de Mr Baldus à un acheteur en 1986, et ce au prix de 1000 F l'unité. Elle retrouve plus tard cet acquéreur, qui lui achète deux nouvelles séries de photographies du même auteur. Au total, celle-ci a vendu 130 photos pour un montant 85000 F. Mais plus tard, elle apprend que Mr Baldus était un grand photographe, et que les photos avaient donc une valeur largement supérieure au prix auquel elles les avaient vendues.
La vendeuse, mécontente d'avoir vendu ces photos à un prix dérisoire, porte alors plainte et se porte partie civile contre l'acheteur pour escroquerie. Une ordonnance de non-lieu est rendue, et elle décide alors d'attaquer son cocontractant sur le terrain du dol et de l'article 1116 du Code civil. Après le jugement de première instance, un appel est interjeté. La Cour d'appel rend un arrêt le 5 décembre 1997, dans lequel elle condamne l'acheteur à payer la somme de 1 915 000 F, somme correspondante à la valeur réelle des photographies après déduction du prix déjà encaissé par la vendeuse. L'acheteur forme alors un pourvoi en cassation.
Bien que l'acheteur se défende d'avoir un devoir d'information envers sa cocontractante, la juridiction du second degré estime que l'acheteur, tout en connaissant la valeur des photographies qu'il achetait, n'a pas informé son cocontractant sur cette valeur réelle, a acquis ces photos à un prix dérisoire et a donc manqué à son obligation de contracter de bonne foi. La Cour d'appel caractérise la réticence dolosive, affirmant que si la vendeuse avait connu la valeur réelle de ces photos, elle n'aurait pas contracté.
La question qui se pose ici est délicate, puisqu'il s'agit de savoir si un acheteur est tenu d'un devoir d'information envers l'acheteur sur un aspect du contrat qu'il ignore, ou s'il peut légitimement garder le silence sur cet aspect.
La Cour de cassation va plutôt pencher vers la deuxième solution, dans son arrêt du 3 mai 2000. Elle casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel, et motive sa position ainsi : selon elle, « aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur », et la Cour d'appel a donc violé l'article 1116 du Code civil. Cet arrêt peut étonner par la solution qu'il retient, mais celle-ci doit être étudiée par rapport à la situation contractuelle particulière (I) et sa tendance libérale, néanmoins compensée par une portée jurisprudentielle peu évidente (II).
[...] La portée limitée de l'arrêt, une jurisprudence incertaine Les décisions de la Cour de cassation qui suivent l'arrêt Baldus vont en effet soit se démarquer, soit conforter celui-ci, et osciller entre la préférence accordée à la sécurité contractuelle ou celle de l'individualisme contractuel. La haute juridiction civile va même se contredire en interne. Un premier arrêt de la troisième chambre civile, en date du 15 novembre 2000, retient le dol pour le cas d'un contrat d'achat d'un terrain où les acquéreurs avaient découvert et fait en sorte de cacher la richesse du sous-sol au vendeur, arrêt qui vient ainsi contredire l'arrêt Baldus publié quelques mois auparavant. [...]
[...] Elle retrouve plus tard cet acquéreur, qui lui achète deux nouvelles séries de photographies du même auteur. Au total, celle-ci a vendu 130 photos pour un montant 85000 F. Mais plus tard, elle apprend que Mr Baldus était un grand photographe, et que les photos avaient donc une valeur largement supérieure au prix auquel elle les avait vendues. La vendeuse, mécontente d'avoir vendu ces photos à un prix dérisoire, porte alors plainte et se porte partie civile contre l'acheteur pour escroquerie. [...]
[...] Bien que l'acheteur se défende d'avoir un devoir d'information envers sa cocontractante, la juridiction du second degré estime que l'acheteur, tout en connaissant la valeur des photographies qu'il achetait, n'a pas informé son cocontractant sur cette valeur réelle, a acquis ces photos à un prix dérisoire et a donc manqué à son obligation de contracter de bonne foi. La Cour d'appel caractérise la réticence dolosive, affirmant que si la vendeuse avait connu la valeur réelle de ces photos, elle n'aurait pas contracté. La question qui se pose ici est délicate, puisqu'il s'agit de savoir si un acheteur est tenu d'un devoir d'information envers l'acheteur sur un aspect du contrat qu'il ignore, ou s'il peut légitimement garder le silence sur cet aspect. [...]
[...] Néanmoins, l'interprétation faite par la vendeuse de cette jurisprudence constante méconnait que c'est une protection du contractant économiquement le plus faible qui est appliquée. Or, c'est surtout dans les cas où un professionnel profite de sa position, de son statut de connaisseur pour manipuler un particulier peu informé, que cette jurisprudence se vérifie. Dans son cas, la vendeuse contractait avec un particulier, qui n'avait initialement aucun avantage par rapport à celle-ci, puisqu'il n'a connu la valeur réelle qu'entre sa première acquisition et les deux autres qui ont suivi. [...]
[...] Le dol vice du consentement : commentaire de l'arrêt Baldus (Cass. 1ère civ mai 2000 Introduction En droit des contrats, la jurisprudence civile a toujours abordé la question des vices du consentement avec beaucoup de prudence, prenant aussi parfois le risque de surprendre la doctrine. C'est ainsi que l'évolution jurisprudentielle autour du dol n'a d'abord pas reconnu que le silence de l'un ou l'autre des contractants comme constitutif de dol. Puis les juridictions civiles ont opéré un revirement de jurisprudence par la publication d'arrêts qui reconnaissait un devoir d'information du contractant, mais dans certains cas seulement, surtout concernant les contrats entre un professionnel et un particulier lambda qui n'est pas connaisseur. [...]
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