« Ce qu'il y a de difficile dans la charité, c'est qu'il faut continuer » (Henri DE MONTHERLANT, Les Jeunes Filles, 1936). Cette pensée prend tout son sens dans le cadre du commentaire de l'espèce à analyser. En effet, cet arrêt de cassation rendu par la première chambre civile de la Haute juridiction le 3 février 2004 traite du moment de la restitution de la chose prêtée dans le prêt à usage.
En l'espèce, M. Charles Leininger étant propriétaire d'un immeuble, il avait autorisé son frère, Frédéric, à occuper un appartement à titre gratuit. M. Charles Leininger décède en 1977, et treize ans passent avant que la famille, héritière de Charles, ne demande des comptes à Frédéric. Ils voulaient le voir quitter les lieux. Bien sûr, il opposa une fin de non-recevoir à la famille du défunt, au motif que son frère lui avait consenti un prêt à usage jusqu'à son décès. C'est pour cela que les héritiers de Charles entament la procédure judiciaire. La procédure relative à cette affaire fut longue, puisque la bataille juridique a pris racine au début des années quatre-vingt-dix, pour durer jusqu'en 2004. Ce sont les héritiers de Charles Leininger qui ont porté l'affaire devant les tribunaux.
[...] Bémol à cette histoire, ses héritiers se retrouvent bloqués, le frère s'accroche à son logement gratuit, profitant de l'économie qu'il réalise en l'occupant jusqu'à ce que le besoin disparaisse (un besoin même de nature affective comme l'énonce l'arrêt de la Cour d'appel de Metz). Il était normal de favoriser un retour à la case départ, en octroyant au prêteur la possibilité de récupérer son bien, et ce, même sous la condition du délai raisonnable de préavis. La jurisprudence de 1996 ne pouvait perdurer tant la solution était contraire à l'équité : l'emprunteur, partie qui profitait du geste gratuit du preneur, était favorisé très largement, sans aucune contrepartie. [...]
[...] L'autocensure inéluctable de la première chambre civile consacrant l'obligation de restitution de la chose par l'emprunteur est conditionnée au respect d'un délai raisonnable de préavis protégeant légitimement le prêteur (II). Une autocensure inéluctable consacrant l'obligation de restitution pour l'emprunteur Cette décision de la première chambre civile marque la fin d'un imbroglio jurisprudentiel et vient logiquement rappeler une obligation essentielle de l'emprunteur qu'est la restitution de la chose au prêteur La fin d'un imbroglio jurisprudentiel Depuis presque vingt ans, la jurisprudence de la Cour de cassation concernant le prêt à usage a été des plus fluctuantes. [...]
[...] Le prêteur devait faire preuve de patience pour espérer récupérer un jour son bien. Avec ce revirement attendu de 2004, l'équité est remise au goût du jour. La confiance dans les contrats conclus verbalement, gratuitement et entre amis pouvait de nouveau s'exercer. Il est vrai qu'il est toujours délicat de demander à un ami à qui on prête quelque chose de signer un contrat avec un terme prévu pour le prêt. Cette gêne disparaît avec cette jurisprudence qui espérons-le viendra définitivement fixer le sort des contrats de prêt à usage. [...]
[...] II- Une restitution conditionnée au respect d'un délai de préavis raisonnable, protégeant légitimement le prêteur Cette solution découle d'une intervention du droit commun des contrats, qui vient apporter la possibilité de résilier unilatéralement le contrat de prêt à usage ; Elle apporte une protection justifiée au prêteur La possibilité légitime de résiliation unilatérale du contrat de prêt à usage Dans un contrat à durée indéterminée, le principe est qu'il est susceptible de résiliation à tout moment, et cela, de façon unilatérale. Cette règle résulte du principe d'interdiction des engagements perpétuels. C'est notamment le cas pour le contrat de travail, prévu aux articles L122- 4 et suivants du Code du travail. Il est donc possible de déroger à l'article 1134 du Code civil, et de résilier unilatéralement le contrat à durée indéterminée. [...]
[...] Autrement dit, il fallait se baser sur un critère très subjectif du besoin de l'emprunteur pour savoir quand le prêteur pourrait se voir restituer la chose prêtée. Autrement dit, cela n'engageait vraiment pas à prêter à titre gratuit et à un ami, ou un membre de sa famille, comme dans l'affaire Leininger. Il subsistait le risque pour le prêteur, avant cet arrêt du 3 février 2004, de ne jamais retrouver le bien prêté, sauf à ce que l'emprunteur indélicat ne meurt avant le prêteur, condition peu appréciable au regard du droit et de la sécurité juridique, et des liens d'amitié, familiaux, et de confiance pouvant lier des personnes. [...]
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