"Emptor debet esse curiosus", "L'acheteur doit être curieux" est un adage dépassé dans le droit français, la première chambre civile de la cour de cassation dans un arrêt du 28 mai 2008 s'est vu interrogée sur un dol incident par réticence ; sa réponse vient confirmer cette idée.
En l'espèce, un acquéreur a acheté un appartement en rez-de-chaussée avec un jardin donnant sur un "espace vert communal". Cependant la commune avait projeté de construire un logement de gardien privant l'acquéreur de sa vue. Ce dernier assigna donc son vendeur pour dol en réparation de son préjudice. En appel, la cour de Versailles dans un arrêt du 19 janvier 2007 a condamné le vendeur à 15 000 euros de dommages et intérêts au profit de l'acheteur. Le vendeur forme un pourvoi en cassation contre cet arrêt considérant que le dol constaté par la cour n'a jamais été commis.
Les juges du droit se sont donc posés le problème suivant : l'abstention d'information du vendeur, portant sur un élément extérieur au contrat, autorise-t-elle l'acheteur à demander des dommages et intérêts pour dol?
[...] Alors, il s'agit de répondre à de nombreuses questions sous-jacentes : le dol peut-il être prononcé sur un élément matériellement extérieur au contrat? Peut-on allouer des dommages-intérêts pour le dol alors même que sa finalité est la nullité? Existe-t-il une obligation d'information de l'acheteur? Le manquement à celle-ci est-il punissable? Pour répondre à ces questions et à celles dont elles dépendent, on fonctionnera méthodiquement, examinant le dol retenu par la cour et ses effets pour ensuite clarifier tant que possible l'implication de l'obligation d'information dans le prononcé de l'indemnisation Dans quelle mesure peut-on invoquer le dol pour un élément subsidiaire du contrat? [...]
[...] Ici on aurait envie de dire que la cour s'est permis un raccourci dangereux. D'un autre côté, écarter la nullité au profit de dommages-intérêts peut être vu comme la défense de l'intangibilité du contrat, renforçant la sécurité contractuelle. Si la décision est plutôt critiquable d'un point de vue formel, il semble qu'au fond, et comme ce n'est pas le cas systématiquement, "justice a été rendue."Un exercice périlleux de la cour d'appel reprit par la première chambre civile témoignant de la nécessité d'une juridiction suprême de droit pour s'assurer de la protection de celui-ci quand les interprétations vont trop loin. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, la jurisprudence autorise l'allocation de dommages- intérêts pour dol : le dol peut être invoqué pour conclure seulement à une réduction de prix (chambre communautaire de la Cour de cassation 14 mars 1972) II/ l'implication ambiguë de l'obligation d'information dans la réticence dolosive On s'intéressera ici aux autres caractères du dol qui pose dans notre cas toujours problème, l'élément intentionnel que la cour semble écarter et le but recherché par les juges dans l'application de la réticence posant des problèmes de limites. la suppression du caractère intentionnel dans la réticence dolosive? Il semble ressortir de l'arrêt que la cour d'appel ne s'est pas véritablement penché sur le dol et a prononcé des dommages et intérêts en vertu de l'obligation précontractuelle d'information de la part du vendeur. Cependant, l'élément intentionnel, l'intention frauduleuse plus précisément est l'une des conditions constitutives du dol. En matière de réticence, elle est même un élément majeur en l'absence d'actes appréciables. [...]
[...] Une approche plus au fond du litige, dont le but a été de compenser une "injustice".Une approche qui prône le caractère subjectif des éléments substantiels. Cette prise de risque est conforme à une logique civiliste d'indemnisation. Elle est très marquée en droit de la responsabilité, elle est évidente quand on lit la loi sur les accidents de la circulation du 5 juillet 1985. On la voit dans le principe de poursuite "in solidum" on répare le préjudice le plus rapidement possible. [...]
[...] La mention "qui n'était pas saisie d'une demande tendant à l'annulation de la vente" ajouté par la Cour de cassation à propos de la cour d'appel tendrait à confirmer cette idée. On peut avoir envie d'y lire "si ça avait été le cas, rien ne se serait passé pareillement". La doctrine ne s'accorde pas sur l'existence du dol incident, "il y a ou il n'y a pas d'erreur, pas de demi-mesure". Il est vrai que le consentement est un tout, on ne peut pas être partiellement d'accord, cela relève des pourparlers et non pas du consentement. [...]
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