L'arrêt rendu le 27 février 1996 par la première chambre civile, rédigé avec pédagogie, consolide les solutions jurisprudentielles quant aux conditions de l'action en répétition de l'indu.
En 1978, M. Sola a acheté un immeuble, assuré contre le risque incendie auprès de la mutuelle du Mans. Ce risque s'est réalisé en avril 1983.
L'immeuble ayant été entièrement détruit, l'assureur a versé en avril 1984 certaines sommes à un créancier hypothécaire et à un délégataire de M. Sola, des rapports d'expertise concluant à l'origine accidentelle du sinistre. A la suite d'une information pénale ouverte en juin 1983 , M. Sola a cependant été mis en cause dans l'incendie et condamné pour escroquerie à l'assurance par un jugement du 13 février 1986, devenu irrévocable le 2 mars 1989. L'assureur a alors engagé une action en répétition contre le créancier hypothécaire et le délégataire de l'assuré.
Débouté par la Cour d'appel au motif que, selon l'article 1377 du Code civil, ses graves imprudences le privaient de son droit à répétition, l'assureur s'est pourvu en cassation. Le problème de droit expressément soulevé était donc le suivant : le solvens qui a payé par imprudence une somme qui n'était pas due, peut-il obtenir restitution sur le fondement de la répétition de l'indu ?
[...] En revanche, aucune erreur n'est exigée dans les articles 1376 et 1235, seuls applicables en l'espèce selon la Cour de cassation. L'application par la cour d'appel de l'article 1377 s'explique sans doute par la complexité de la situation en l'espèce. En effet, on pouvait hésiter quant à la qualification d'indu objectif qui suppose l'inexistence de la dette payée. L'assurance a payé entre les mains des débiteurs de l'assuré, ne fallait-il pas considérer que l'indu était subjectif, le solvens se croyant débiteur d'une dette existante? [...]
[...] La faute du solvens n'empêche pas la répétition de l'indu Le solvens peut-il répéter l'indu lorsqu'il a agi avec légèreté ou imprudence? La jurisprudence apporte une réponse nuancée à cette question. En général, elle affirme que la faute du solvens ne l'empêche pas d'obtenir la répétition des sommes payées. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse de l'indu subjectif. Lorsque le solvens a payé avec légèreté une dette qu'il ne devait pas et que l'accipiens n'a reçu que ce que lui devait son débiteur (par exemple, Cass.com janv. [...]
[...] En l'espèce la Cour de cassation ne semble subordonner l'attribution éventuelle de dommages et intérêts à aucune autre condition que l'existence d'une faute d'ailleurs douteuse en l'espèce. Les fautes qu'elle aurait pu commettre étaient seulement de nature à les supposer établies à donner lieu à attribution de dommages et intérêts On ne peut en effet à la fois regretter les manœuvres dilatoires de certains assureurs pour éviter ou retarder le paiement des indemnités et se monter trop exigeant quant aux précautions à prendre pour éviter les paiements indus. [...]
[...] L'erreur du solvens n'est pas une condition L'arrêt confirme l'abandon d'une jurisprudence antérieure selon laquelle l'action en répétition de l'indu était subordonnée à la preuve d'une erreur du solvens mais cette solution ne vaut que pour l'indu objectif ce qui soulève un problème de qualification A. La preuve d'une erreur du solvens n'est plus nécessaire Pendant longtemps, la preuve de l'erreur du solvens était une condition nécessaire pour obtenir la répétition de ce qui a été payé sans être dû. La règle était fondée sur l'idée qu'en l'absence d'erreur, le paiement ne pouvait s'expliquer que par une intention libérale. Or en réalité cette vision est trop simpliste. Elle est sans doute exacte dans l'hypothèse ou une personne paye sciemment la dette d'autrui. [...]
[...] Il s'agit alors soit d'une libéralité, soit d'une gestion d'affaires et la répétition est exclue. En revanche le payement d'une dette inexistante ou d'une dette qui existe mais qui n'est pas due à l'accipiens peut s'expliquer par d'autres raisons. C'est surtout dans le contentieux relatif aux cotisations sociales payées indûment que la présomption de l'intention libérale était particulièrement irréaliste. Mais il existe de nombreux cas ou le paiement s'explique par exemple par le souci d'éviter un conflit immédiat, de sauvegarder certains intérêts et non pas une intention libérale. [...]
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