Par un arrêt de principe du 24 septembre 2009, la Cour de cassation a statué, de manière solennelle et en explicitant ses fondements théoriques, sur la nature et l'opposabilité du droit de rétention.
En l'espèce, une société de tourisme, la société Hecla, a acheté en 2004 trois camping-cars à la société SEA qu'elle a revendus à trois particuliers, MM X., Y. et Z. avant même d'avoir payé le prix dont elle était redevable à l'égard de son vendeur. Ce dernier a toutefois pris la précaution de conserver les accessoires que constituaient les documents administratifs nécessaires à la circulation des véhicules. La société Hecla ayant fait par la suite l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, la société SEA, consciente qu'elle ne pourrait plus percevoir quelque somme que ce soit de sa débitrice d'une part, et qu'elle ne pouvait intenter aucune action contre les sous-acquéreurs légitimes d'autre part, a exercé son droit de rétention sur les accessoires. La société créancière a en effet estimé que, vu la violation de l'article 1612 du Code civil, disposant que « le vendeur n'est pas tenu de livrer la chose si l'acheteur n'en paye pas le prix », elle pourrait ainsi obtenir que les sous-acquéreurs prennent en charge les obligations de leur vendeur défaillant. Cependant, MM. Y. et Z., ne pouvant utiliser les véhicules, ont engagé une action à l'encontre de la société SEA afin qu'elle leur remette les documents et satisfasse ainsi à ses obligations de délivrance.
Nous verrons ainsi que l'arrêt de principe rendu par la Cour de cassation repose sur un parti pris relatif à la nature du droit de rétention et pouvant porter à discussion. Il ressortira que ce qui définit avant tout le droit de rétention sont les relations de connexité sur lesquelles il repose.
[...] La Cour d'appel d'Orléans fait droit à leur demande dans un arrêt du 10 septembre 2007, considérant qu'ils étaient de bonne foi et que le vendeur d'origine commettait un abus de droit en exerçant son droit de rétention, les sous-acquéreurs ayant légitimement acquis leur bien et étant étrangers à la mauvaise foi de la société débitrice, quand bien même le demandeur était dépourvu de tout recours à son encontre. La société SEA a de plus été condamnée à leur verser des dommages et intérêts. La Cour de cassation est saisie par un pourvoi régulièrement formé par la Société SEA. [...]
[...] Dans le second cas, où le tiers propriétaire aurait acquis un bien libre, seuls les droits de rétention fondés sur l'existence d'un lien de connexité matérielle lui sont opposables, définie à l'article 2286 comme le lien entre la chose remise par le vendeur jusqu'au paiement de sa créance. En l'espèce, les acquéreurs étaient de bonne foi et non tenus de la dette, le droit de rétention antérieur au transfert de propriété du bien. Le droit de rétention ne reposant pas ici sur une connexité matérielle, la solution peut se prévaloir de l'opposabilité aux tiers, ici les sous- acquéreurs propriétaires, de la situation juridique créée par le contrat. [...]
[...] Si cet article ne permet pas de déterminer avec certitude la nature du droit, la Cour de cassation a tranché : le droit de rétention est un droit réel, ce qui le rend opposable à tous. A. Un droit réel consacré par la jurisprudence Par définition, le droit de rétention est le droit reconnu à un créancier de retenir entre ses mains l'objet qu'il doit restituer à son débiteur, tant que celui-ci ne l'a pas lui-même payé. Il revêt aujourd'hui une portée générale en matière mobilière et immobilière. [...]
[...] La solution de la Cour de cassation n'est donc pas inédite en soi, mais approfondit tout de même le raisonnement adopté au travers d'arrêts antérieurs. Dès lors, le vendeur dispose d'un droit de rétention licite sur les accessoires que constituent les documents administratifs il peut valablement l'opposer au sous-acquéreur. B. L'opposabilité du droit de rétention fondé sur une connexité D'après la décision de la haute juridiction, la bonne foi des sous- acquéreurs et la défaillance du vendeur intermédiaire (dont le solde du compte ne peut, par conséquent, être retenu pour garantir le paiement de créances antérieures) n'ont pu faire dégénérer en abus l'exercice du droit de rétention. [...]
[...] La solution contraire ôterait l'essentiel de son intérêt au droit de rétention, qui se verrait privé de toute efficacité dès lors que le débiteur procède à la vente du bien. L'argument de la bonne foi des sous-acquéreurs est écarté dans la mesure où l'abus a été subi par la société rétentrice. Dès lors, il ressort que la bonne foi de ceux qui subissent la rétention ne peut suffire à elle seule à conclure l'existence d'un abus de droit, contrairement à ce qu'avait estimé la Cour d'appel d'Orléans. [...]
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