La première chambre civile de la Cour de Cassation, rend le 22 février 1984 un arrêt de cassation. En l'espèce, un acte de caution solidaire est établi dans le cadre d'un bail d'habitation. Celui-ci revêt la mention "bon pour caution solidaire" suivie de la signature de la caution.
Cependant, la somme que cette dernière s'engage à payer ne figure pas en toutes lettres sur l'acte établi. Du fait de la défaillance du débiteur, le créancier assigne la caution devant les juridictions civiles en vue d'obtenir le paiement des loyers et des charges impayés.
On ignore la décision rendue par les juges de première instance.
L'une des parties interjette appel et les juges de la Cour d'Appel font droit à la demande initiale du créancier. Ils motivent leur décision du fait que l'absence de la mention en toutes lettres de la chose pour laquelle la caution s'engageait se voyait justifiée par l'impossibilité de déterminer le montant au moment de la formation de l'acte. Ils considèrent de plus, que cette absence ne remet pas en cause les caractères "explicite et non-indéterminé" de l'engagement, du fait que ceux-ci trouvent leur source dans la seule mention manuscrite "bon pour caution solidaire"
suivie de la signature.
La caution forme alors un pourvoi en Cassation.
La question se trouvait ainsi posée à la Cour de Cassation de savoir à quelles conditions la mention manuscrite d'un acte de cautionnement doit elle satisfaire?
Au visa des articles 1326 et 2015 du Code Civil combinés, les Hauts Magistrats cassent et annulent la décision de la Cour d'Appel aux motifs que, l'absence du montant de la somme suffit à qualifier l'engagement d'indéterminé d'une part; la mention apposée par la caution ne saurait suffire à exprimer de façon explicite et non-équivoque sa connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée d'autre part.
[...] En second lieu, le consensualisme témoigne d'une théorie de la convention fondée sur une procédure (lʼéchange des consentements) et une norme (pacta sunt servanda, les conventions doivent être respéctées). Clause générale de validité des contrats, le consensualisme permet de transformer, tout fait de lʼhomme en opération juridique aux seules limites de lʼillicite et de lʼimmoral. Par conséquent, on est a fortiori face à une confusion de lʼordre juridique et de lʼordre moral à laquelle sera opposée le juge, doté des plus larges pouvoirs dʼinvestigation en matière conventionnelle. [...]
[...] Et s'il est vrai que pour certains comme M. Sargos "cette jurisprudence, loin d'être révolutionnaire, se borne à faire une application normale des textes qui régissent le cautionnement"; d'autres tel que M. Smiler se demande "par quel prodige l'addition d'une règle d'interprétation et d'une règle de preuve peut-elle avoir pour résultat une règle de fond sanctionnée par la nullité de l'engagement?". B - Les limites d'un décision protectrice L'essence même du développement du formalisme réside en ce que ce dernier présente des avantages auquel le consensualisme fait défaut. [...]
[...] La place de celui-ci dans le monde juridique s'est fortement accentué depuis la rédaction initiale du Code Civil. En effet, le législateur et les juges lui reconnaissent certains avantages venant combler les lacunes du consensualisme. D'une part, il permet de prévenir les engagement irréfléchis, d'autre part il apporte à l'acte établi une certaine certitude quand à son contenu prévenant ainsi d'éventuelles fraudes de la part d'un des contractants ou d'un tiers. Le formalisme, comme son étymologie l'indique, impose le respect de conditions de forme. [...]
[...] Ainsi, il minimiserait la portée des textes sources de formalisme. Sa base repose sur une carence du législateur: lorsque celui-ci n'indique pas si l'exigence de l'écrit est posée ad solemniatem (sous peine de nullité) ou ad probationem (en vue d'apporter la preuve de son contenu); le juge va opter pour la seconde interprétation, plus souple et sans doute plus éloignée de l'intention du législateur (Civ 28/11/1864, une telle interprétation est établie dans le cadre des contrats de transactions). Cependant, il arrive parfois qu'au contraire la jurisprudence fasse preuve d'une rigueur telle qu'elle accentue ces exigences de formes. [...]
[...] Ensuite, par souci d'égalité quant à la preuve, l'article 1325 du code civil dispose que dans le cadre d'un contrat synallagmatique, l'acte doit être dressé en autant de copies qu'il y a de parties ayant un intérêt différent. Enfin, selon d'article 1326, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent doit comporter la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme en toutes lettres et en chiffres. En l'espèce, nous sommes en présence d'un acte de caution, lequel à l'origine, s'apparente à un contrat consensuel. [...]
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