Le Code civil en ses articles 1875 à 1879 dispose que le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à charge pour le preneur de la rendre après s'en être servie. De plus, un contrat de prêt est un contrat conclu dans l'intérêt de l'emprunteur. En ce sens on affirme généralement que ce dernier dispose du droit d'user de la chose dans la mesure où ce droit est le but même du contrat. Cependant ce droit fait l'objet de limitations prévues par le Code civil qui prévoit notamment que le prêteur peut soit garder et conserver la chose en vertu de l'article 1880 de ce code, soit restituer la chose, obligation essentielle du commodat contenue aux articles 1888 et 1889 du même code. Un problème se pose cependant lorsqu'aucun terme déterminé ou déterminable n'est prévu dans le contrat de prêt.
C'est conformément à ce problème qu'a statué la Première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 19 janvier 2005.
En l'espèce avait été prêté un terrain à une personne. Les propriétaires avaient assigné le commodataire en expulsion du terrain leur appartenant.
La demande d'expulsion ayant été accueillie par la Cour d'Appel, le commodataire se pourvoit en cassation alors que selon lui le prêteur ne pouvait unilatéralement fixer un terme au contrat, si celui-ci n'en possédait pas.
Le problème qui se pose alors est celui de savoir si un prêteur peut résilier unilatéralement un contrat dans lequel le terme n'est ni déterminé ni déterminable.
[...] Il y a lieu cependant de noter qu'en pratique les prêteurs qui veulent mettre fin à un commodat à durée indéfinie devront assez souvent recourir au juge, soit qu'il ait contestation quant au caractère raisonnable du délai de préavis octroyé, soit que l'emprunteur, en refusant de quitter les lieux, n'oblige ce faisant son cocontractant à obtenir un titre exécutoire nécessaire à son expulsion. L'arrêt étudié de la troisième Chambre civile du 19 janvier 2005 met donc fin à une divergence de jurisprudence entre cette formation et la première Chambre civile en se ralliant à la position de cette dernière telle qu'elle résulte, notamment, d'une décision du 10 mai 2005. [...]
[...] Le problème qui se pose alors est celui de savoir si un prêteur peut résilier unilatéralement un contrat dans lequel le terme n'est ni déterminé ni déterminable. La Cour de Cassation semble favorable à une telle idée puisqu'elle a rejeté la demande en cassation du commodataire. En effet la Cour donne raison à l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Basse-Terre le 3 février 2003 en considérant que lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est un droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable. [...]
[...] Des arguments peuvent venir contrecarrer cette jurisprudence, notamment celui concernant son caractère contra legem puisque conformément à l'article 1888 du Code civil le prêteur ne peut mettre unilatéralement fin au prêt. De plus le terme de “délai raisonnable” reste encore vague, c'est pourquoi il doit faire l'objet d'un contrôle du juge. Cette situation reflète par conséquent un manque de sécurité juridique pour l'emprunteur. Par conséquent il semblerait que cette jurisprudence soit plus favorable au prêteur qu'à l'emprunteur en ce sens qu'une révocation unilatérale du contrat de prêt est possible pour le prêteur et ce, au détriment de l'emprunteur qui peut alors se trouver lésé et dans une situation inconfortable. [...]
[...] B / le revirement de 2004 : un retour aux solutions jurisprudentielles antérieures En 2004 la Première Chambre civile de la Cour de cassation a procédé à un complet revirement et a renoué avec la solution classique. En effet, en s'appuyant sur ce que l'obligation pour le preneur de rendre la chose prêtée après s'en être servie est de l'essence du commodat elle affirme que lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose à usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable tel qu'il a été jugé le 3 février 2004. [...]
[...] En effet jusqu'en 1996 le juge s'accordait à dire que la faculté de résilier un contrat de prêt à tout moment dans le respect d'un préavis raisonnable, solution qui était classiquement admise, n'était plus possible, et que le prêteur ne pouvait retirer la chose qu'après que le besoin de l'emprunteur ait cessé C'est en effet la solution que la Première chambre civile de la Cour de Cassation avait retenu le 3 février 1993 et le 19 novembre 1996, en considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 1888 et 1889 du Code civil que le commodant ne peut retirer le bien prêté qu'après le terme convenu ou, à défaut de convention, qu'après que le besoin de l'emprunteur a cessé, sauf s'il apporte la preuve qu'il a un besoin pressant et imprévu de la chose objet du contrat. Le prêteur, dans ces conditions, peut être tenu de laisser le logement prêté à la disposition du commodataire pour une durée illimitée puisque ce bien est d'un usage permanent. Cette position de la Cour de Cassation était critiquable en ce sens qu'elle était défavorable au prêteur qui ne pouvait pas résilier unilatéralement le contrat de prêt. Cependant cette position avait été de courte durée puisqu'un retour aux solutions antérieures avait été effectué par la jurisprudence. [...]
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