« Pour prouver un acte juridique, le chèque apparaît comme la meilleure et la pire des choses ». Stéphane Piedelièvre, auteur de cette phrase, trouve son inspiration dans une jurisprudence complexe dont l'arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 18 juillet 1995 est une pierre angulaire.
En l'espèce un chèque d'un montant de 20.000F a été émis par Mme X, représentant, selon elle, le montant d'un prêt accordé à M. Y. Le bénéficiaire, M. Y, qui avait endossé ce chèque de banque a été condamné par les juges du fond à rembourser ce montant, au motif que le commencement de preuve par écrit rendait vraisemblable l'obligation de restitution. M. Y interjette aussitôt appel de cette décision et la cour d'appel de Rennes, dans une décision en date du 9 février 1993, le condamne à des dommages et intérêts pour procédure abusive. M. Y se pourvoi alors en cassation et invoque comme moyen que la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de restituer la somme qu'elle a reçue.
Deux questions, inhérentes à l'arrêt, se posent aux juges : l'endossement d'un chèque de banque vaut-il commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable l'existence d'un contrat réel ? Et dans l'affirmative, une telle décision remettrait en cause le formalisme probatoire et donnerait donc lieu à des suites intéressantes.
[...] En effet l'article 1347 du Code civil dispose que l'on considère que les règles relatives au moyen de preuve reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, la preuve est alors «par tous moyens De plus, cet article, dans son alinéa dispose qu'on appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée [ ] et qui rend vraisemblable le fait allégué Quant à l'article 1902, il dispose que l'emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu La Cour de cassation rend un arrêt infirmatif, mais seulement en ce que la Cour d'appel a condamné M. Y a des dommages et intérêts pour procédure abusive. La jurisprudence de la Cour de cassation, sur ce point précis du commencement de preuve par écrit dans le cadre un problème de preuve d'emprunt, est contrastée. En effet il faut opérer de pernicieuses distinctions entre chèque endossé et chèque non endossé. [...]
[...] On peut en effet aussi bien considérer qu'il a servi à effectuer une donation, à payer une dette ou à former le contrat de prêt. Les juges du fond apprécient souverainement si un écrit rend vraisemblable le fait allégué. Leur appréciation, dès lors qu'aucune dénaturation n'est invoquée, échappe au contrôle de la Cour de cassation. C'est l'avis de la Cour de cassation dans un arrêt de la 1re chambre civile du 1er décembre 1965. La Cour de cassation soutient cependant sa jurisprudence, alors même qu'elle constate des positions doctrinales opposées, dans un arrêt de la 1re chambre civile, le 10 mars 1992. [...]
[...] Des suites intéressantes Dans une décision du 12 février 1987, la Cour de cassation avait d'ores et déjà reconnu que, si le chèque n'était pas une preuve littérale d'un contrat de prêt, il valait commencement de preuve par écrit et rendait donc plausible l'existence d'un contrat réel de prêt. La preuve était donc, en application de l'article 1347 du Code civil, libre. Pour certains auteurs de doctrine, la différence, liée au caractère endossé ou non du chèque, apparait comme totalement illusoire dans la mesure ou le chèque finira forcément par être endossé par le bénéficiaire. [...]
[...] En l'espèce un chèque d'un montant de 20.000 F a été émis par Mme représentant, selon elle, le montant d'un prêt accordé à M. Y. Le bénéficiaire, M. qui avait endossé ce chèque de banque a été condamné par les juges du fond à rembourser ce montant, au motif que le commencement de preuve par écrit rendait vraisemblable l'obligation de restitution. M. Y interjette aussitôt appel de cette décision et la cour d'appel de Rennes, dans une décision en date du 9 février 1993, le condamne à des dommages et intérêts pour procédure abusive. [...]
[...] Dans une décision de la première chambre civile de la Cour de cassation du 10 mai 1995, le juge indique que le chèque ne vaut pas, en tant que tel, commencement de preuve par écrit, sauf en cas d'endossement par le bénéficiaire. Dans la mesure où, dans ce cas d'espèce, le chèque avait été endossé par M. le commencement de preuve par écrit est admis et le fait allégué, un prêt de 20 000F de Mme X à M. Y est rendu vraisemblable. [...]
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