L'article 1216 du Code Civil prévoit le cas curieux où la dette ne concerne que l'un des coobligés solidaires. C'est précisément le cas dans la présente affaire, dans un arrêt rendu par la première chambre civile en date du 17 novembre 1999 où la Cour de cassation s'est prononcée sur la question relative à un engagement solidaire de codébiteur. Elle a d'ailleurs rejeté le pourvoi formé par un codébiteur solidaire au motif que son engagement était la contrepartie d'une créance…
En l'espèce, Madame Dechatrette s'était reconnue débitrice envers la Poste d'une certaine somme d'argent pour l'utilisation de machines à affranchir. Par un deuxième acte distinct, le 18 octobre 1992, intitulé « engagement de remboursement », portant la mention « avec solidarité, lu et approuvé », signé par son conjoint, Madame Dechatrette s'était engagée à effectuer un paiement échelonné de ladite dette. Condamné en appel par un arrêt en date du 4 avril 1997, Monsieur Dechatrette reprochait à l'arrêt d'avoir écarté la qualification de cautionnement, alors que le créancier l'avait assigné en référé en qualité de caution solidaire et de n'avoir pas fait application des règles de preuve prévues par l'article 1326 du Code Civil.
[...] En effet, cet article exige la présence d'une somme en chiffres et en lettres (la mention manuscrite n'est plus exigée depuis la loi du 13 mars 2000). Cependant, dans la présente affaire, il ne nous est pas fait mention de la somme ni en chiffres, ni en lettres. Par conséquent, l'acte de cautionnement ne contient pas toutes les mentions requises à sa validité. De ce fait, l'acte serait devenu nul comme le montre un arrêt en date du 3 juin 1987 rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation. [...]
[...] D'après la Cour de Cassation, la mention avec solidarité a contribué à la qualification de l'engagement solidaire non intéressé d'une dette. Cependant, son rôle était de qualifier l'engagement en cause et non pas d'exprimer la validité ou non de l'interprétation des juges de la Cour d'appel. On peut donc légitimement s'interroger sur sa réelle position en la matière. A contrario, la Cour de Cassation a parfaitement bien joué son rôle en cassant un arrêt rendu en date du 22 mai 1991 par la première chambre civile (Bull.civ.I, nº162) parce que la Cour d'appel avait dénaturé la convention des parties en la qualifiant de cautionnement alors que cette dernière stipulait que les débiteurs assumaient Tous deux, à tire principal, solidaire et indivisible l'obligation de respecter les présentes conditions C'est grâce au mot principal que la Cour de Cassation a requalifié d'engagement cette convention. [...]
[...] En effet, en l'espèce, elle a décidé que l'engagement qu'avait contracté Monsieur Dechatrette était un engagement solidaire non intéressé à la dette. Le rôle de la Cour de Cassation est de qualifier le contrat, c'est-à- dire, elle doit placer le contrat dans une catégorie du droit positif. C'est une démarche dite objective et qui est contrôlée par cette dernière. En l'espèce, les juges de la Haute juridiction semblent avoir eu une démarche plutôt subjective lorsqu'elle énonce : C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation que la Cour d'appel a retenu que cet engagement constituait, non pas un cautionnement solidaire, mais un engagement de codébiteur solidaire non intéressé à la dette, prévu à l'article 1216 du Code Civil [ ] Autrement dit, elle s'est véritablement appuyée sur l'interprétation de la Cour d'appel sans même prendre le temps de qualifier l'acte en cause. [...]
[...] De plus, bien que Monsieur Dechatrette apparait comme lésé dans cet arrêt, il dispose, néanmoins, d'un recours contre sa femme afin d'obtenir l'intégralité de la somme versée à la Poste. La solution retenue par la Cour de Cassation reste critiquable puisqu'elle génère des situations ambigües car elle ne se base sur aucun argument juridique objectif et qu'elle profite, de façon abusive, aux créanciers mettant en péril le système de sûreté actuel. On peut se demander, par conséquent, s'il ne serait pas trop simple, pour les créanciers, de demander au garant de s'engager comme codébiteur solidaire et non comme caution . [...]
[...] A contrario, la simple mention avec solidarité ne suffit donc pas à en qualifier un. De toute évidence, sa demande de qualification de son engagement en un cautionnement est impossible, en l'espèce, pour les juges de la Haute juridiction. Cependant, la Cour de Cassation s'est retranchée derrière le pouvoir souverain d'interprétation des juges du fond alors qu'il s'agissait d'une question de qualification, donc de droit B. Une interprétation controversée La Cour d'appel a un pouvoir souverain d'interprétation, selon une jurisprudence constante en date du 2 février 1808 (GAJC éd. Nº159). [...]
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