La délégation est l'opération par laquelle une personne, généralement – mais point nécessairement – tenue d'une dette – le déléguant – donne l'ordre à une autre personne – le délégué – de s'engager envers une troisième personne, généralement créancière de la première – le délégataire. Pourtant en dépit de son utilité, et de ses incidences pratiques, cette technique est à peine évoquée dans le Code civil (C.civ., art. 1275) et ne donne lieu qu'à un faible contentieux. L'intérêt suscité par l'arrêt du 17 mars 1992 est d'autant plus grand que sa solution remet, apparemment, en cause la règle de l'inopposabilité des exceptions.
Le 4 janvier 1979, l'acquéreur d'un fonds de commerce ; M. Rocco, accepte de payer une partie du prix du prix par « reprise de dettes contractées par le vendeur, la Société Aux Bons Crus ». Spécialement il s'engageait à régler un prêt consenti au vendeur le 5 décembre 1977, ce que le prêteur, M. Louvet, acceptait. L'opération révélait la présence d'une délégation, probablement imparfaite dans laquelle le vendeur du fonds, la Société Aux Bons Crus, était délégant de l'acquéreur du fonds de commerce, M. Rocco, était le délégué, le prêteur M. Louvet, ayant la qualité de délégataire. Le 5 janvier 1989, M. Louvet assignait son nouveau débiteur en paiement, lequel lui opposait la prescription décennale de la dette commerciale conformément à l'article 189 bis du Code de commerce. Or, s'il est exact que la dette du délégant, contractée en 1977, était éteinte depuis deux ans au jour de l'assignation, le demandeur, M. Louvet, répliquait que l'engagement du délégué, M. Rocco nouveau et partant, donnait naissance à une nouvelle créance qui était soumise à son propre délai de prescription lequel avait était interrompu par l'assignation. Ce point de vue était celui des juges du fond (Paris, 23 mars 1990) qui estimaient que l'engagement du délégué envers le délégataire courait « du jour de la délégation, et que peu importait la date à laquelle avait pris naissance la créance qui avait fait l'objet de cette délégation ». Le 17 mars 1992, cette motivation était censurée sous le visa de l'article 1275 du Code civil.
Cette solution peut surprendre le lecteur ; elle heurte de front la règle, bien assise, de l'inopposabilité des exceptions par le délégué et incite à la réflexion sur la justification théorique prêtée à cette règle dont on pensait (à tort ?) qu'elle était de l'essence de la délégation.
[...] L'intérêt suscité par l'arrêt du 17 mars 1992 est d'autant plus grand que sa solution remet, apparemment, en cause la règle de l'inopposabilité des exceptions. Le 4 janvier 1979, l'acquéreur d'un fond de commerce ; M. Rocco, accepte de payer une partie du prix du prix par reprise de dettes contractées par le vendeur, la Société Aux Bons Crus Spécialement il s'engageait à régler un prêt consenti au vendeur le 5 décembre 1977, ce que le prêteur, M. Louvet, acceptait. [...]
[...] En présence d'une désignation conventionnelle de l'objet En réservant l'hypothèse d'une convention contraire, l'arrêt étudié rappelle justement que la convention entre le délégué et le délégataire peut soumettre l'obligation nouvelle du délégué à certaines conditions ou limites. La logique même impose cette faculté dans la mesure où l'engagement du délégué naît de son acte de volonté. Ainsi, le délégué peut s'engager sous la condition que le délégant devienne ultérieurement son créancier (Cass. 1ère Civ déc. 1981). Plus généralement, le délégué peut s'engager à concurrence de ce qu'il peut devoir au délégant (rapp. [...]
[...] La nouveauté de l'engagement du délégué permet de distinguer la délégation d'institutions voisines ; il reste que sa portée mérite d'être appréciée notamment sur le fait de savoir si cette nouveauté peut seule justifier la règle de l'inopposabilité des exceptions Nouveauté de l'engagement du délégué Dans la délégation le délégué prend un engagement nouveau envers le délégataire à la demande du délégant. Sans doute est-ce à la demande du délégant que l'opération prend forme et ce dernier exprime-t-il en ce sens sa volonté ; sans doute le délégataire accepte-t-il la délégation, et cette acceptation doit être expresse en cas de délégation parfaite, lorsque le délégataire entend dégager le délégant du fait de l'engagement du délégué. [...]
[...] L'explication va d'abord pour justifier l'inopposabilité par le délégué au délégataire d'exceptions tirées du rapport délégué-délégant (Cass. Com avr. 1997) : le délégataire est un tiers au regard du rapport délégué-délégant, la relativité des conventions interdirait au délégué de tirer argument de ce rapport à l'endroit du délégataire. Pourtant, l'on adhère à l'idée que la cause de l'engagement du délégué réside dans son rapport avec le délégant, la nullité de ce rapport signifierait l'absence de cause de l'engagement du délégué et partant, sa nullité (sauf à admettre la théorie de l'acte abstrait). [...]
[...] Mais l'explication reste impropre à rendre compte de l'inopposabilité par le délégué d'exceptions tirées du rapport d'élégant délégataire. Au contraire, le délégué est un tiers à l'encontre du rapport d'élégant délégataire, tout comme le contrat est opposable par le tiers, rien n'empêche le délégué de se prévaloir de ce rapport. Or c'est précisément cette solution qu'admet l'arrêt commenté. En réalité, l'inopposabilité par le délégué des exceptions tirées du rapport d'élégant délégataire ne peut résulter que de la nouveauté de l'objet de son engagement, et non de la simple constatation de la nouveauté de l'origine de cet engagement. [...]
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