Dans une société où l'obsession de la sécurité atteint son paroxysme le nombre de contrats conclus ne cesse d'augmenter. Parallèlement, le nombre de pourvois concernant les litiges relatifs à ces contrats augmente également. Cette situation nous permet de nous interroger sur la force obligatoire du contrat et plus précisément sur l'interprétation de ce dernier et pouvoir de complètement du juge. En 1974, la commune de Cluses a concédé à l'association Foyer des jeunes travailleurs l'exploitation d'un restaurant à caractère social et d'entreprises.
Une convention tripartite a été signée le 15 octobre 1984 entre la commune, l'association et la société Les Repas Parisiens pour une durée de 10 ans. Au sein de cette convention, la société LRP s'engageait à sous-exploiter le restaurant. Également, la société LRP, en contrepartie d'importants travaux assumés par l'association et la commune, s'engageait à payer un loyer annuel à l'association et une redevance à la commune. Le 31 mars 1989, 5 ans après l'ouverture du restaurant, la société a envoyé une lettre à ses cocontractants où elle résiliait de manière unilatérale la convention conclue en 1984 au motif qu'elle se trouvait dans l'impossibilité économique de poursuivre l'exploitation.
A la suite de la lettre, l'association et la commune ont demandé et obtenu que par ordonnance de référé la société LRP soit condamnée à poursuivre son exploitation. Malgré cette condamnation, la société LRP a cessé son activité le 31 juillet 1989, cinq ans après la signature de la convention, au motif d'un bouleversement économique du contrat. De plus, à la suite de cette condamnation, la société LRP a saisi le tribunal administratif afin d'obtenir la résiliation de la convention et à défaut l'octroi de dommages et intérêts.
[...] De cette obligation de bonne foi découle le devoir de loyauté entre les contractants. Un contrat doit en effet être exécuté en toute bonne foi. Ce principe est inscrit à l'article 1134 alinéa 3 du Code civil. Initialement ce principe n'avait guère d'importance dans le droit des contrats et servait avant tout à faire le lien entre l'article 1134 et l'article 1135. La situation est aujourd'hui différente : le devoir de bonne foi des contractants et aujourd'hui l'un des principes essentiels du droit des contrats. [...]
[...] De manière générale, au cours de ces dernières années, le juge était intervenu pour imposer un équilibre arithmétique au niveau des prestations à la charge de chacune des parties au contrat. Pour cela il se fondait notamment sur la notion d'objet et imposait un rééquilibrage des prestations au travers de différentes techniques juridiques telles que la lésion ou les clauses abusives. De nombreuses critiques pouvaient être faites quant à cette pratique. En effet, le contrat doit être la manifestation de la volonté des parties. [...]
[...] On peut également considérer que par cette intervention la Cour de cassation va pouvoir maintenir un contrôle sur l'action du juge. En effet, par cette intervention, la Cour de Cassation s'arroge le droit de vérifier que le juge n'a pas opéré une dénaturation du contrat. Ce contrat peut être considéré bénéfique et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord il est favorable à la sécurité juridique, à la stabilité des contrats et enfin (et peut-être surtout) il renforce d'autant plus la légitimité du juge du fond car en opérant plus de contrôles la Cour de Cassation aura autant d'occasions en plus pour consacrer le raisonnement du juge et affirmer sa compétence et son efficacité, éléments qui concourent à sa légitimité. [...]
[...] En suivant un raisonnement à contrario on comprend donc que la Cour de Cassation acceptera de sanctionner par la nullité un contrat qui ne satisferait pas à ces exigences. C'est d'ailleurs sur ce fondement que la société LRP avait formé son pourvoir. Cependant, la Cour de Cassation ce faisant n'émet pas un principe absolu : elle refuse de sanctionner par la nullité un contrat certes structurellement déséquilibré mais ce déséquilibre étant issu de la négligence d'une des parties au pourvoi. [...]
[...] Cependant, dans les faits la Cour de Cassation est amenée à se prononcer sur le contenu des contrats et donc à les interpréter. Deux grandes raisons peuvent expliquer cette situation. Depuis l'arrêt Foucault et Coulombe la Cour de Cassation s'est reconnue compétente pour vérifier que par son interprétation le juge n'a pas dénaturé le contenu du contrat. Pour pouvoir opérer ce contrôle, il faut qu'elle définisse elle-même le contenu du contrat. Pour cela il faut donc qu'elle l'interprète. Ce contrôle de l'action du juge est le premier élément conduisant la Cour de Cassation à se prononcer sur le contenu des contrats et à l'interpréter. [...]
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