Même si la jurisprudence vient souvent compléter la loi en cas de silence de celle-ci, ce n'est que très rarement que la loi reprend expressément des dispositions de jurisprudences anciennes. Pourtant, tel a été le cas pour la validité des clauses d'inaliénabilité dans les contrats de vente. C'est ainsi que le 1er septembre 1928, M. Feugas vend à M. Ladousse un « petit lopin de terre de 5 m² ». Il inscrit dans l'acte une clause qui stipule que M. Ladousse a interdiction d'édifier une construction quelconque sur ce terrain, de le louer à une autre personne qu'au vendeur, ou de le vendre si ce n'est au vendeur ou a ses héritiers, et au même prix. En 1935, M. Feugas fait faillite, son patrimoine et celui de sa femme sont séparés. Suite à la faillite, les époux Lample deviennent adjudicataires du domaine en 1936. Cependant, en 1944, M. Feugas veut récupérer son bien en opposant la clause d'inaliénabilité mais les adjudicataires s'y opposent.
C'est ainsi que Mme Fagas assigne les époux Lample en revendication du terrain visé par l'acte du 1er septembre 1928, et démolition d'ouvrages devant un tribunal de premier ressort compétent. Le 29 juin 1948, la cour d'appel de Pau déboute Mme Feugas de sa demande en déclarant que l'acte du
1er septembre 1928 était frappé de nullité d'ordre public, les biens restant dans le patrimoine des époux, ceux-ci tombent dans la faillite. Suite au pourvoi formé par la demanderesse, la première chambre civile de la cour de cassation, en séance du 16 février 1953 le rejette.
[...] Ensuite, la clause d'inaliénabilité est une atteinte à un critère de validité du contrat: la cause. En effet, dans un contrat de vente, la cause pour l'acquéreur est la volonté de devenir propriétaire de la chose. Or, avec cette clause, il lui sera interdit d'exercer certains droits sur son bien, par conséquent le contrat de vente serait dépourvu de cause. La jurisprudence a reconnu que soient stipulées des clauses d'inaliénabilité dans les actes d'aliénation pour la première fois dans des arrêts anciens de la chambre civile du 20 avril 1858, et de la chambre des requêtes du 16 janvier 1923. [...]
[...] B)une reconnaissance établie mais protégée La Cour de cassation vient confirmer le précédent jurisprudentiel en remontrant qu'une clause d'inaliénabilité pouvait être insérée dans un contrat de vente. La Cour de cassation vient confirmer la cour d'appel de Pau qui avait déjà débouté les époux Feugas, celle-ci énonçant que la sanction d'une clause d'inaliénabilité, dans le cas où les conditions ne seraient pas respectées, est la nullité de la vente. Par conséquent, le juge accorde une grande importance à cette clause, car toute la convention est remise en question, alors que la sanction pourrait être seulement relative à la portée. [...]
[...] Si la Cour de cassation autorise les clauses d'inaliénabilité dans les contrats de vente, malgré une lourde sanction, elle érige quand même des conditions relatives à cette clause. Une reconnaissance limitée à de strictes conditions Dans un deuxième temps, le juge de la haute juridiction va énoncer des conditions restrictives quand à la portée de la clause conditions qui perdureront dans le droit positif une clause limitée dans le temps et justifiée par un intérêt légitime et sérieux Les conditions relatives à l'acceptation d'une clause sont au nombre de deux et le juge rappelles qu'elles sont cumulatives: le défaut de l'une des deux conditions précitées rendant superflue ou inopérante l'existence de l'autre Tout d'abord, il faut que la clause soit limitée dans le temps. [...]
[...] En effet, le juge ne relèvera l'intérêt sérieux et légitime que si la première condition est remplie. Cette deuxième condition, comme dans le cas présent ne sera pas forcément contrôlée. L'intérêt sérieux renvoie souvent à la bonne foi du contractant alors que la légitimité énonce que la volonté des parties ne doit pas être contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Cette condition semble être très subjective et casuistique, les juges du fond statuant en fait, des situations très proches pourraient être appréciées différemment. Ces deux conditions sont aujourd'hui ancrées dans notre droit positif. [...]
[...] Une loi du 3 juillet 1971 est venue consacrer cette jurisprudence. En effet l'article 900-1 du Code civil énonce: les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime L'insertion de cette loi dans le code est très révélatrice de l'avancée jurisprudentielle. En effet, l'article 900-1 a été inséré dans le chapitre relatif aux libéralités, les clauses d'inaliénabilité n'étant à la base possible que dans les actes à titre gratuit. [...]
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