Première chambre civile de la Cour de cassation, 14 mai 1991 - clauses abusives, interdiction et pouvoir du juge

Extraits

[...] Surtout que depuis cette loi, un seul décret, en 1978, est venu tenter de déterminer quelles pourraient être les différentes clauses abusives ; ainsi elles sont pour l'instant au nombre de 2. Dans la vente est interdite la clause limitant le droit à dommages-intérêts de l'acheteur en cas de défaillance du vendeur. Ou bien celle qui, dans tout contrat, permet au professionnel de modifier unilatéralement les caractéristiques du produit ou du service promis sauf s'il s'agit d'un changement lié à l'évolution de la technique sans incidence sur le prix ou altération de la qualité. [...]

[...] juillet 1987 juillet 1989 décembre 1989 Remarque de Lerebours-Pigeonnière selon qui la JP progresse en dents de scie Civ, 1ere mai 1993 : réaffirme définitivement que le caractère abusif d'une stipulation peut être apprécié par le juge au regard du seul article 35 de la loi de 1978. Mais en faisant référence au texte de la Loi de 1978, la Cour de cassation limite ce pouvoir aux clauses limitativement énumérées dans le texte législatif Désireux d'harmoniser les différentes législations nationales et d'entraîner les Etats membres retardataires dans le mouvement de protection du consommateur, le Conseil des Communautés Européennes a adopté, en 1993, une directive concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. [...]

[...] La loi du 10 janvier 1978 avait donc prévu une protection des consommateurs contre les clauses abusives mais au cours des débats elle fut considérablement modifiée et il fut finalement confié à des décrets ( pouvoir règlementaire) et non à des arrêts ( pouvoir des juges ) le soin de dire ce qu'est la justice contractuelle Dénonçant cette carence, un courant doctrinal a invité les magistrats à ressaisir le pouvoir dont la loi de 1978 les avait privés. I - Le juge peut-il déclarer une clause abusive malgré l'absence d'un décret en prononçant formellement l'interdiction ? A. [...]

[...] Commentaire de l'arrêt de la 1re chambre civile du 14 mai 1991: clauses abusives, interdiction et pouvoir du juge Les Faits : Un particulier avait confié au magasin Minit Foto dix-huit diapositives en vue de leur reproduction sur papier. Le reçu constatant le dépôt contenait une clause exonérant le laboratoire de toute responsabilité en cas de perte des clichés. Cette éventualité s'étant réalisée, le laboratoire entendait s'abriter derrière cette clause pour faire échec à l'action en responsabilité introduite par son client devant le tribunal d'instance de Béthune. [...]

[...] Le juge reste donc désarmé face aux autres nombreuses clauses abusives non qualifiées. B. La question divise la doctrine Le relais d'un décret est-il encore nécessaire, ou les tribunaux peuvent- ils se fonder directement sur la loi pour condamner une clause abusive ? Auteurs hostiles à la JP source du droit : une protection effective du consommateur ne saurait s'accommoder d'un détour par le juge de ce relais, sinon cela engendrerait, en plus, un désordre économique trop important. MAIS : S'agissant de l'insécurité juridique qu'engendrerait le fait de reconnaître aux juges du fond un pouvoir propre de sanction des clauses qu'ils jugent abusives, plusieurs pays européens l'ont déjà fait sans problème. [...]