En vertu de l'article 900-1 alinéa 1er du Code civil, « les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime ». Le but premier des clauses d'inaliénabilité est d'interdire au donataire de disposer à titre onéreux ou gratuit des biens donnés ou légués. Ainsi le législateur permet, à titre exceptionnel, de mettre obstacle à la libre circulation d'un bien donné ou légué, par la stipulation dans l'acte d'une clause d'inaliénabilité. Si la loi du 3 juillet 1971, qui a introduit l'article 900-1 dans le Code civil, autorise dans certains cas la révision de la clause, c'est à la condition que le donataire ou le légataire sollicite du juge la levée de l'inaliénabilité en établissant que l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou qu'un intérêt plus important l'exige. Lorsque le gratifié est insolvable, ses créanciers peuvent avoir intérêt à obtenir la mainlevée de l'inaliénabilité et à solliciter le juge, par la voie oblique, pour obtenir l'autorisation d'aliéner le bien grevé. Mais d'un revirement de jurisprudence à l'autre, la cour de cassation peine à se déterminer sur l'exercice, par la voie oblique du droit de demander la levée judiciaire de l'inaliénabilité conventionnelle d'un bien donné en application de l'Art. 900-1 du Code Civil. C'est à nouveau dans une voie tendant à l'ouverture de l'exercice de l'action oblique, que la première chambre civile dans son arrêt du 10 janvier 2000 a rendu sa décision.
En l'espèce, Melle Odile Bourdin, a reçu de la part de sa mère Mme Richard, veuve, Bourdin, certains biens par donation en avancement d'hoirie qui prévoyaient une réserve d'usufruit au profit du donateur, un droit de retour ainsi que l'interdiction pour le gratifié d'aliéner les biens donnés. La fille étant mise en liquidation judiciaire, le liquidateur demande alors la mainlevée de l'inaliénabilité. Si les premiers juges rejettent sa demande, la Cour d'appel d'Angers, le 9 juin 1997, y fait droit et infirme la décision. Mais la cour de cassation en décide autrement, il convient donc de voir si l'intérêt du donataire est plus important que celui du créancier.
[...] La recevabilité de l'action oblique des créanciers en suspension de l'inaliénabilité Par sa décision, la cour de cassation affirme la possibilité aux créanciers du donataire, par voie oblique, l'action en mainlevée de l'inaliénabilité stipulée dans une donation. La recevabilité de l'action par la cour de cassation montre l'intérêt pour les créanciers du donataire démunis face aux clauses d'inaliénabilité Cette décision permet d'exacerber le rejet implicite mais certain de la qualification de l'action en mainlevée comme exclusivement rattaché à la personne La protection des créanciers point de départ de la solution Les créanciers des personnes gratifiés par des biens inaliénables furent très tôt confrontés à la question de savoir s'ils pouvaient acquérir des droits sur les biens grevés comme en témoignent de nombreuses décisions. [...]
[...] C'est dans cette optique de prendre en considération la nécessité de préserver au mieux les intérêts des créanciers que la cour de cassation admet la recevabilité de l'action oblique. Par cette décision de principe, la Cour de cassation écarte ainsi implicitement la qualification de l'action en mainlevée comme exclusivement attachée à la personne Le rejet de l'action en mainlevée attaché à la personne On ne retrouve pas dans le Code Civil quels sont les droits et actions exclusivement rattachés à la personne. [...]
[...] Lorsque le gratifié est insolvable, ses créanciers peuvent avoir intérêt à obtenir la mainlevée de l'inaliénabilité et à solliciter le juge, par la voie oblique, pour obtenir l'autorisation d'aliéner le bien grevé. Mais d'un revirement de jurisprudence à l'autre, la cour de cassation peine à se déterminer sur l'exercice, par la voie oblique du droit de demander la levée judiciaire de l'inaliénabilité conventionnelle d'un bien donné en application de l'Art. 900-1 du Code Civil. Ainsi une première décision de 1990 avait paru prendre parti en faveur de la recevabilité de l'action oblique mais de manière implicite. [...]
[...] La solution de la Cour de cassation constitue une application et une clarification du jeu des articles 900-1 et 1166 du Code civil. Il appartient alors au créancier de démontrer que l'intérêt du bénéficiaire des hoiries d'obtenir la mainlevée de l'inaliénabilité est plus important que celui du donateur. L'arrêt en question autorise les créanciers à agir par la voie oblique, ce qui permet de ne pas méconnaître leurs intérêts, mais il restreint également l'appréciation du bien-fondé de l'action en mainlevée. [...]
[...] La Cour de cassation ne peut que casser la décision de la Cour d'appel. Comme les intérêts du créancier ne doivent pas être méconnus, la Cour de cassation leur accorde la possibilité d'agir par voie oblique. Mais ces mêmes intérêts ne peuvent être pris en compte pour apprécier le bien-fondé de la demande en mainlevée, car le créancier doit agir au lieu et place du débiteur. L'intérêt supérieur du donataire vis-à-vis du créancier agissant en mainlevée de l'inaliénabilité La Cour de cassation rappelle que le créancier exerce par la voie oblique l'action de son débiteur. [...]
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