Causalité, commentaire, arrêt, Perruche
L'embryon dispose-t-il d'un droit de ne pas naître ? Cette question de société a suscité de nombreux débats à l'occasion de l'affaire dite Perruche. L'opinion publique s'est divisée sur les thèmes de l'eugénisme, de la discrimination ou de l'handiphobie ; les Associations de défense des droits de la femme et celles de défense des handicapés ont alimenté la controverse si bien que la Cour de Cassation, réunie en Assemblée plénière, a du trancher le 17 novembre 2000.
Dans cette affaire, Mme Perruche avait été exposée au virus de la rubéole. Afin de s'assurer que l'enfant qu'elle attendait ne contracterait pas à son tour la maladie, elle décide de subir un test de dépistage et de recourir à une IVG si ce test révélait une atteinte rubéolique. Le médecin lui affirme qu'elle est immunisée contre la rubéole et que l'embryon ne peut donc pas être atteint par la maladie. A sa naissance en 1983, le jeune Nicolas Perruche présente pourtant de graves séquelles consécutives à une atteinte in utero par la rubéole.
[...] Le 17 décembre 1993, la Cour d'appel de Paris relève les fautes contractuelles du laboratoire et du médecin ainsi que le préjudice de la mère qui, à cause des fautes commises, avait cru à tort qu'elle était immunisée contre la rubéole et n'avait donc pas procédé, comme elle l'aurait fait si elle avait été correctement informée, à une IVG. Le préjudice de la mère est donc indemnisé. En revanche, la CA de Paris rejette toute causalité directe entre les fautes précitées et le préjudice de l'enfant. Les parents se pourvoient donc en cassation. [...]
[...] La Première Civile valide ce raisonnement puisqu'elle ne casse l'arrêt précité qu'en sa seule disposition relative au préjudice de l'enfant. La question du préjudice de la mère n'a donc pas été remise en cause par la Cour de cassation, mais il n'en va pas de même pour le préjudice de l'enfant La reconnaissance du préjudice de l'enfant né handicapé La Cour dispose que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme X . [...]
[...] Nous nous étions demandé si l'enfant né avec un handicap pouvait utilement invoquer les fautes commises par le médecin chargé de l'examen prénatal de sa mère pour pouvoir être indemnisé du préjudice résultant de son handicap. L'arrêt d'Assemblée plénière du 17 novembre 2000 apporte une réponse positive à cette interrogation, ce qui constitue une rupture avec la jurisprudence antérieure qui n'admettait que l'indemnisation du préjudice de la mère. Toutefois, cet arrêt, s'il est novateur, n'en reste pas moins critiquable, tant d'un point de vue juridique (forçage des conditions de la responsabilité délictuelle) que d'un point de vue politique ou philosophique. [...]
[...] Il a pour seule cause la rubéole transmise in utero par sa mère. Même si l'erreur de diagnostic a privé la mère de recourir à une interruption volontaire de grossesse, les juges du fond n'admettaient pas que l'enfant puisse invoquer les fautes du médecin dans la mesure ou cela revenait à lui reconnaître un préjudice du fait de sa naissance. Sur ce point, les juges du fond rejoignaient la jurisprudence du Conseil d'État qui avait décidé, dans une autre espèce que la naissance ou la suppression de la vie ne peut être considérée comme une chance ou une malchance dont on peut tirer des conséquences juridiques En revanche, le préjudice de la mère n'a jamais suscité de telles tergiversations. [...]
[...] Handiphobie, eugénisme, discrimination furent autant de qualificatifs utilisés à l'égard de cette décision qui poussèrent le législateur à intervenir Les suites de l'arrêt Perruche : la réaction législative et la loi antiPerruche La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi antiPerruche, signe la fin de cette jurisprudence. En effet, dans son article 1er, cette loi dispose que nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance On retrouve ici la position énoncée par le Conseil d'État avant même l'affaire Perruche (voir plus haut). [...]
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