Par un arrêt en date du 22 février 2007, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer quant au refus d'indemniser un préjudice illicite ayant une nature purement économique.
Un joueur de casino demande à ce que lui soit interdite la possibilité de fréquenter le casino. En dépit de cette interdiction, celui-ci retourne fréquemment jouer, et, gagnant une somme par le biais d'une machine à sous, il se voit refuser le paiement de ses gains au motif que le demandeur, par son interdiction de jouer au casino avait effectué des manœuvres illicites, puisque pour en obtenir la délivrance il avait fait appel à une tierce personne.
Il saisit alors la juridiction de proximité afin d'assigner la responsabilité du casino en justice dans le but d'obtenir des dommages-intérêts à titre de réparation du préjudice patrimonial subi par la non-délivrance du gain. Le jugement de première instance fait droit à sa demande, retenant qu'il est établi que sa présence au casino et le fait qu'il ait pu jouer constituaient une faute de la société, n'ayant pas fait valoir l'obligation d'interdiction de jeux pour cette personne : à l'issu de ce jugement, la société du Casino se voit contrainte à indemniser le joueur. La société décide dès lors de former un pourvoi en cassation afin de contester le jugement de première instance.
En effet, l'on peut se demander si une victime peut se prévaloir de la délivrance de gains, voire se prévaloir de la réparation de la perte de ses rémunérations, si celles-ci sont illicites.
[...] L'on peut également noter que ce principe n'est pas nouveau, puisqu'il est repris d'un arrêt de 2002 : Civ, 2ème janvier 2002. Toutefois, l'on peut s'interroger quant au bien-fondé de cette décision : des dérives ne seraient-elles pas envisageables par les casinos ? II) Une jurisprudence rigoureuse et critiquable concernant l'indemnisation de préjudices illicites de nature économique Il s'agira d'analyser le fait que la solution adoptée par le juge demeure critiquable sur certains points mais qu'elle se comprend aisément, bien que rigoureuse, afin de calmer les ardeurs des victimes responsables de leur préjudice un risque d'abus de la part des casinos, leur responsabilité civile n'étant pas engagée En effet, une personne interdite de jeu ne peut réaliser aucun gain si elle parvient à jouer et gagner malgré l'interdiction de jeu. [...]
[...] Mais la Cour de cassation n'est pas toujours aussi rigoureuse : civ 2ème 2 novembre 1994 : réparation du dommage subi par un voyageur monté dans un train sans ticket De plus, si la jurisprudence considère que l'illicéité de l'action est effectivement une fin de non-recevoir, tel n'est pas le cas de l'immoralité CA Paris 10 novembre 1976 : alors même que les époux sont tenus au devoir de fidélité, la situation de la concubine adultérine ne fait pas obstacle à son action en responsabilité (premier arrêt avant la loi de 19 75) : c'est un assouplissement JP : on peut donc en conclure que la Cour suprême refuse par contre, d'indemniser un préjudice illicite qui a une nature purement économique ( Cass civ 2ème 29 mars 2001) Si elle se fait sa propre hiérarchie des normes, elle ne le fait prévaloir que si c'est un intérêt personnel en jeu et non pas patrimonial. [...]
[...] l'idée d'une hiérarchie établie par la jurisprudence, défavorable à l'assouplissement en cas de préjudice illicite de nature économique En effet, le caractère rigoureux de cette solution peut se comprendre : par la sévérité de la décision, soit l'impossibilité d'obtenir la délivrance du gain, et le refus pour l'interdit de casino d'exercer une action en responsabilité civile délictuelle pour le préjudice subi, le joueur interdit doit être dissuadé de l'intérêt du jeu. Il est bénéfique pour lui qu'il ne puisse nourrir l'espoir d'un gain quelconque en jouant, malgré l'interdiction et grâce à une éventuelle négligence du casino. (Jean Marc Miglietti, avocat) S'il était le seul à pouvoir invoquer la nullité du contrat, il pourrait espérer empocher un gain après avoir réussi à accéder au jeu : cela deviendrait même un défi pour lui de braver l'interdiction, ce qui stimulerait sûrement encore plus son envie de jouer. [...]
[...] La société décide dès lors de former un pourvoi en cassation afin de contester le jugement de première instance. En effet, l'on peut se demander si une victime peut se prévaloir de la délivrance de gains, voire se prévaloir de la réparation de la perte de ses rémunérations, si celles-ci sont illicites. La Cour suprême confère le caractère d'arrêt de principe à cet arrêt, retenant qu'une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites, sans compter que le contrat de jeu liant le joueur de casino à la société était nul en raison de son interdiction de casino : ainsi, elle infirme le jugement de première instance. [...]
[...] La Cour suprême a longtemps tenu compte du fait que l'illicéité ou l'immoralité de la situation de la victime étaient des obstacles à son indemnisation. Ainsi, le caractère illicite de la faute pouvait constituer une cause d'exonération : une faute de la victime est cause d'exonération ( Cass civ 2ème 16 mars 1994 ) : aussi, la victime d'une overdose d'héroïne n'est pas fondée à demander réparation à celui qui lui a injecté l'héroïne à partir du moment où c'est la victime qui avait demandé l'injection. [...]
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