En l'espèce, le 12 août 1976, les époux X ont vendu, par acte sous seing privé, aux époux Y un immeuble avec paiement échelonné du prix. Alors que la réitération de la promesse de vente n'était pas intervenue, les vendeurs ont, par acte notarié du 2 juin 1988, fait donation dudit bien à leur fils. Les acquéreurs ont alors agi en annulation et, subsidiairement, en inopposabilité de la donation sur le fondement de la fraude paulienne.
La question ainsi posée à la Cour de cassation dans cette espèce est celle de savoir si l'action paulienne est ouverte à un titulaire d'un droit de propriété sur un bien qui a été aliéné par le débiteur de l'obligation de délivrer ce bien, rendant par conséquent impossible l'exercice de ce droit par le créancier.
[...] En effet, le transfert de propriété ayant eu lieu, il ne leur manquait plus que de répondre aux formalités de ce transfert. On est alors amené à penser à la lecture de cet arrêt que les juges de la Cour de cassation privilégient le principe du transfert solo consensu de la propriété au détriment de la négligence quelque peu manifeste dont ont pu faire preuve les prétendus acquéreurs en ne réclamant pas la réitération de cette vente par acte authentique. [...]
[...] Pour répondre à cette interrogation, nous verrons que dans cet arrêt, la Cour de cassation poursuit le mouvement d'assouplissement des conditions de recevabilité de l'action paulienne et ce faisant, elle contribue à attribuer à l'action paulienne une finalité nouvelle (II). Un assouplissement des conditions de recevabilité de l'action paulienne L'article 1167, alinéa premier, du Code civil ne disposant qu' Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits il est revenu à la jurisprudence de fixer le cadre dans lequel l'action paulienne pouvait être exercée. [...]
[...] Partant, en l'espèce, bien que l'on puisse présumer que le fils des débiteurs avait connaissance de cette fraude, cette caractéristique est indifférente et l'ouverture de l'action paulienne apparaît comme étant justifiée. En ouvrant l'action paulienne au demandeur, la troisième chambre civile va ici casser l'arrêt d'appel en attribuant, en quelque sorte, à cette action une finalité nouvelle qui apparaît comme étant protectrice des droits du propriétaire. II/ L'attribution à l'action paulienne d'une finalité nouvelle On sait qu'en principe l'action paulienne a pour finalité la préservation du droit de gage général. [...]
[...] En l'espèce, les cocontractants avaient conclu une promesse synallagmatique de vente qui, en vertu de l'article 1589 du Code civil, vaut vente. Or, en droit français, et en vertu de l'article 1583 du Code civil, le transfère de propriété s'opère solo consensu. Par conséquent, les acquéreurs disposaient d'un droit spécial à savoir le droit de délivrance de la chose vendue par leur débiteur. En outre, il est de longue date admis par la jurisprudence que l'action paulienne est ouverte et justifie la révocation de droits consentis à des tiers au mépris d'une promesse unilatérale de vente. [...]
[...] On a souvent fait valoir que cette conscience se caractérisait dans la preuve de l'intention de nuire aux droits du créancier. Or, si la jurisprudence n'exige pas l'intention de nuire de la part d'un débiteur d'un créancier chirographaire de somme d'argent, alors que l'ensemble de ses biens répond de ses dettes, a fortiori ne faut-il pas la requérir lorsque l'acte fait obstacle à un droit spécial du créancier sur une chose, car celle-ci répond seule de la dette. Bien plus, tout acte de disposition du débiteur portant sur un bien faisant l'objet d'un droit spécial doit être présumé frauduleux dès lors que le créancier ne peut plus obtenir son paiement, puisque ce bien était la garantie de l'exécution de sa prestation. [...]
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