En l'espèce, une femme est usufruitière d'un domaine agricole, dont ses deux enfants, un fils et une fille, sont nus-propriétaires chacun pour partie. Celle-ci a voulu donner en location à son fils la partie de la propriété dont sa fille est nue –propriétaire, mais s'est cependant heurtée au refus de celle-ci. L'usufruitière a donc décidé, comme le prévoit l'article 595 du Code civil, de passer outre ce refus en introduisant une demande d'autorisation judiciaire. Cette action en justice a été portée devant la cour d'appel d'Amiens, le 9 juillet 1985, qui a refusé l'autorisation sollicitée par l'usufruitière.
Cet arrêt de la Cour de cassation pose la question de savoir si l'existence future d'un préjudice lié au bail pour la nue -propriétaire doit obligatoirement entraîner le refus d'autorisation judiciaire au détriment de l'usufruitière, ou si cet élément peut être contrebalancé par un autre intérêt en présence.
[...] Pour fonder son arrêt, la cour de cassation refuse tout d'abord de concéder une autorisation judiciaire à l'usufruitière en raison de conditions tendant à devenir préjudiciables pour la nue -propriétaire Cet arrêt illustre donc les restrictions auxquelles est soumis l'usufruit en matière de baux ruraux (II). I Le refus par la cour de cassation de concéder une autorisation judiciaire à passer un bail à l'usufruitière en raison de conditions tendant à devenir préjudiciables pour la nue –propriétaire En l'espèce, si la demande de l'usufruitière tendant à obtenir l'autorisation judiciaire permettant de donner à bail le bien soumis à l'usufruit sans le concours de la nue -propriétaire de ce même bien semble recevable la cour de cassation ne l'accueille pas, au motif de l'existence de conditions préjudiciables à la nue –propriétaire A Une demande à priori recevable . [...]
[...] Ainsi, selon la cour de cassation, envisager ce bail reviendrait à permettre la réalisation future de préjudices pour la nue propriétaire. Elle considère donc que ce seul motif amène au rejet de l'autorisation, et donc au rejet du pourvoi. Ainsi, on remarque donc que la cour de cassation cherche, à travers ses constatations, à faire primer celui des intérêts des parties en présence qui sera le plus important. Ainsi, il est logique, si la nue –propriétaire peut effectivement subir des conséquences préjudiciables du fait de la donation à bail rural du bien par l'usufruitière, que l'autorisation soit refusée. [...]
[...] Ainsi, l'usufruit est un démembrement de la propriété, qui ne donne à son titulaire que le droit d'utiliser et faire fructifier le bien, mais pas d'accomplir des actes de disposition sur ce bien. L'article 582 met en valeur ce principe du droit de jouir des fruits que peut produire l'objet dont l'individu a l'usufruit. Ainsi, si l'on peut remarquer qu'au terme de ces articles régissant les droits de l'usufruitier, il parait légitime pour celui-ci de conclure un bail sans autorisation préalable du nu propriétaire, le Code civil tempère ces droits à l'article 595 alinéa 4 du Code civil, qui sera utilisé ici par la cour de cassation. [...]
[...] En matière de baux ruraux, l'article 595 du Code civil énonce que l'usufruitier doit avoir l'accord du nu –propriétaire du bien en question avant de le donner à bail, et qu'en cas de refus de celui-ci, il peut demander une autorisation sans son concours par voie judiciaire. Cependant, comme le met en évidence l'usufruitière dans son argumentation, plusieurs conditions sont impératives pour se voir autoriser une telle demande. Ainsi, en accord avec les droits et devoirs de l'usufruitier, ce bail ne doit pas atteindre la substance du bien, comme le prévoit l'article 578, qui doit être remis en l'état à l'expiration du bail. [...]
[...] A l'inverse, si le refus du nu-propriétaire n'est pas réellement justifié, mais que le juge trouve, par exemple, dans ses observations, l'existence d'un possible préjudice, alors il peut tout de même refuser l'autorisation, comme cela semble d'ailleurs être le cas en l'espèce, puisque la demanderesse semble, dans son argumentation, critiquer un refus de la nue –propriétaire motivé davantage par des considérations d'ordre général ou de fortune que par un réel souci de se protéger d'un futur préjudice qu'elle aurait déjà anticipé. Or, c'est cet hypothétique préjudice qui sera retenu comme unique motif pour refuser à l'usufruitière son autorisation. [...]
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