Depuis l'arrêt d'Assemblée plénière du 6 octobre 2006 rendu par la Cour de cassation, le principe selon lequel un manquement contractuel peut constituer une faute délictuelle à l'égard des tiers est largement acquis en jurisprudence. Ce sont les différents arrêts rendus postérieurement au 6 octobre 2006 qui tendent à nous éclaircir sur la manière dont la solution nouvelle de la Cour de cassation doit être mise en œuvre. Son arrêt du 27 mars 2008 vient confirmer cette solution tout en venant la préciser.
En l'espèce, une société industrielle commande, à destination de ses deux clients exclusifs, des travaux de tuyauterie à un entrepreneur principal. L'entrepreneur fait alors appel à un sous traitant pour la réalisation des travaux en question. Or, il apparaît à l'issue de ces derniers que des fuites se sont produites au niveau des soudures. La production desdits clients a donc due être arrêtée, à la suite de quoi ces tiers ainsi que la société commanditaire des travaux assignent l'entrepreneur en réparation du dommage subi.
À quelles conditions, en cas d'inexécution contractuelle, la responsabilité délictuelle d'un contractant peut-elle être invoquée par un tiers ?
[...] Les enjeux de la discussion ne sont ici pas négligeables car dès lors qu'on identifie la faute délictuelle à la faute contractuelle, cela entraine un certain nombre de conséquences. En effet, c'est d'abord contraire au principe de prévisibilité en matière contractuelle puisque les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité ne sont pas valables sur le terrain délictuel. D'où, cela confère au tiers une position qui est paradoxalement plus avantageuse que celle du cocontractant puisqu'il ne peut alors se voir opposer aucune limitation de réparation. [...]
[...] En effet, le principe de l'effet relatif des contrats interdit aux tiers d'invoquer la responsabilité contractuelle. Si celui-ci veut être indemnisé, il doit se placer sur le terrain des articles 1382 et suivants du Code Civil. En revanche, la question se pose au niveau de la considération de la faute délictuelle : faut- il la considérer en elle mm, indépendamment de tout point de vue contractuel et donc détachable du contrat ? Si oui, on va exiger du tiers qu'il démontre la violation d'une obligation générale de prudence et de diligence, donc qu'il démontre qu'il y a eu manquement au devoir général de ne pas nuire à autrui. [...]
[...] D'où une souple application de l'assimilation entre faute délictuelle et manquement contractuel. N'est-ce pas là critiquable ? Des tempéraments de faible portée contre une solution critiquable La Cour d'appel et la Cour de cassation ont retenu que l'entrepreneur n'avait pas veillé au respect par son sous-traitant des instructions qui lui avaient été données quant à la qualité des soudures à réaliser ; et que par conséquent, les tiers pouvaient légitimement invoquer l'exécution défectueuse par l'entrepreneur de son contrat. Ceci apparaît critiquable. [...]
[...] Ainsi le confirme l'article 1165 du Code civil qui énonce cette relativité des contrats. C'est parce qu'une partie l'a accepté qu'elle doit remplir l'engagement dont elle est débitrice. Ainsi, un contractant peut, dès lors que l'autre partie n'exécute pas l'une de ses obligations, engager la responsabilité contractuelle de celui-ci. D'autre part, en ce qui concerne les tiers, le contrat n'existe pas en tant qu'acte juridique mais en tant que fait juridique qui crée une situation à l'égard de laquelle ils peuvent être directement intéressés. [...]
[...] La chambre commerciale a répondu par l'affirmative : s'ils ne peuvent être constitués créanciers ni débiteurs, les tiers peuvent invoquer à leur profit comme un fait juridique la situation créée par le contrat Cela entraine donc un certain nombre de conséquences : un tiers peut utiliser le contrat comme moyen de preuves ou encore invoquer le non-respect d'une obligation contractuelle à condition que cela lui ait créé un dommage. C'est cette dernière hypothèse qui fait l'objet de l'arrêt commenté. En l'espèce, le manquement à une obligation contractuelle de l'entrepreneur principal cause un dommage –fuite des tuyaux-, à des tiers -les clients du commanditaire des travaux auprès de l'entrepreneur- qui souhaitent en obtenir réparation. Dans cette situation, il n'existe pas de lien contractuel donc seule la responsabilité délictuelle a vocation à s'appliquer. [...]
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