La force obligatoire des contrats, prévue par le fameux article 1134 du Code civil, fait partie de la sphère des notions fondamentales du droit des contrats. Néanmoins, ce principe peut être remis en cause, à l'aune notamment du droit de préemption, qui permet à une personne publique, mais aussi privée d'être prioritaire lors de la conclusion d'un contrat aux cocontractants initiaux.
En l'espèce, par acte sous seing privé du 06 février 1995, Mme X a vendu à une société (la société Sud Immobilier) une parcelle de terrain sous la condition suspensive que les bénéficiaires d'un droit de préemption renoncent à l'exercice de ce droit. C'est ainsi que par arrêté municipal du 20 février 1995, la commune de Serres-Castet a effectivement exercé son droit de préemption aux prix et conditions proposées par l'acte de vente. Cependant, quatre ans plus tard, le 09 mars 1999 ; cet arrêté a été annulé par le juge administratif. Cette décision est par ailleurs devenue irrévocable, c'est-à-dire que le droit de préemption ne pouvait plus jouer. La société,alors toujours intéressée par la parcelle, a entendu « réactiver » le contrat de vente de février 1995. Elle a ainsi intenté une action en justice et a assigné Mme X et son curateur M. X en réitération de la vente.
La question posée à la Cour de cassation est donc de savoir si l'annulation d'une décision de préemption rend elle caduque la vente contractée sous condition suspensive du non-exercice de ce droit.
[...] En effet, la simple prise en compte de la rétroactivité de la décision va entrainer le transfert de propriété d'un bien immeuble d'un patrimoine à l'autre. De ce fait, Mme X se voit obligée de vendre, et la société peut intégrer dans son patrimoine la parcelle de terre objet du contrat, d'autant plus que l'on peut penser que le terrain a une certaine valeur. Cependant, comme on l'a vu, il se peut que la volonté des parties se modifie avec le temps. [...]
[...] La rétroactivité de l'annulation de la décision de préemption : réalisation de la condition suspensive En l'espèce, la commune a effectivement utilisé son droit de préemption le 20 février 1995. A ce stade, la vente prévue entre Mme X et la société était donc vouée à disparaître, puisque comme on l'a vu, la commune ayant préempté, la condition suspensive aurait été défailli, et le contrat n'aurait pu être conclu. Cependant, cette décision a été annulée, pour diverses raisons, par le juge administratif quatre ans plus tard. [...]
[...] Ainsi, la réitération est obligatoire, afin d'effectuer un acte authentique nécessaire aux formalités de publication. A l'aune de leur décision, les juges de Cassation estiment donc que l'acte conclu initialement entre Mme X et la société n'est pas entaché de caducité (même si la décision de préemption a été annulée), puisque la condition est réalisée. Les parties en question sont donc toujours liées par le contrat, et ici Mme X ne peut en aucun cas s'opposer à la réitération de la vente. [...]
[...] En effet, quelle que soit l'appréciation opérée par la juridiction administrative sur la validité de la décision de préemption en cause prise par la commune, toujours est-il que celle-ci a exercé son droit de préemption. On aurait donc pu penser qu'au regard de ces faits, la condition suspensive insérée dans le contrat de vente en question soit défailli C'est ce qu'a considéré la Cour d'appel de Pau, laquelle Cour n'a pas fait droit à la demande de réitération de la vente. [...]
[...] Il convient donc de remarquer que l'admission de la rétroactivité de l'annulation de la décision de préemption par la Cour de cassation ôte à la vente toute forme de caducité, et détermine radicalement la solution du litige. [...]
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