En 1986, Mme Boucher a vendu aux enchères publiques 50 photographies de Baldus au prix de 1 000 F chacune. L'acquéreur revend ces photos à un prix bien supérieur au prix d'achat. 3 ans plus tard, elle retrouve l'acquéreur M. Clin et lui vend successivement 35 photographies puis 50 autres photographies de Baldus au même prix que celui fixé en 1986. Apprenant plus tard que l'acheteur avait revendu les photographies à des prix sans rapport avec le prix d'achat, Mme Boucher porte plainte pour escroquerie, mais l'information pénale est close par une ordonnance de non-lieu. Elle assigne alors son acheteur en nullité des ventes pour dol.
Le problème de droit posé à la 1re chambre civile de la Cour de cassation le 3 mai 2000 est le suivant : le silence gardé par l'acheteur sur la véritable valeur du bien proposé par le vendeur constitue-t-il une réticence dolosive ?
[...] De plus le fait qu'elle propose d'autres photographies de Baldus au même prix, mais cette fois dans le cadre d'une vente de gré à gré, montre qu'elle n'envisageait pas qu'en 3 ans le prix du marché change, et certainement pas dans une telle démesure. Au vu de ces éléments que la Cour de cassation ne manque pas de rappeler, la 1re chambre civile aurait pu excuser l'erreur de la venderesse. Un an à peine après cet arrêt, la Cour de cassation affirme que l'erreur provoquée par la réticence dolosive est toujours excusable (21 février 2001). Il semble logique d'excuser l'erreur de la victime d'un dol car sans cette manœuvre déloyale il est clair que l'erreur n'aurait pas été commise. [...]
[...] On a l'impression que la Cour de cassation vient justifier son arrêt de 2000 avec cette décision. On avait quelques difficultés à comprendre que la Cour de cassation n'excuse pas l'erreur de Mme Boucher qui était pourtant le fait du silence gardé par l'acquéreur. Mais avec l'arrêt de 2001, l'erreur n'étant pas causée par une réticence dolosive elle n'est pas excusable. [...]
[...] La Cour de cassation se repose sur l'idée que celui qui prend l'initiative de proposer une offre est en mesure de se renseigner sur les éléments touchant à l'objet du contrat. Par ce raisonnement on comprend mieux que la Cour de cassation ait dédouané l'acheteur de toute obligation d'information puisqu'elle estimait que le vendeur est doué d'une certaine raison le poussant à rechercher les informations nécessaires pour forger son offre. Comme disait Portalis l'office de la loi est de nous protéger contre la fraude d'autrui, mais non pas de nous dispenser de faire usage de notre propre raison (Discours préliminaire sur le projet de la commission). [...]
[...] Cependant elle retient le dol en matière immobilière quand les acquéreurs tentent de maintenir les vendeurs dans l'ignorance de la richesse du sous-sol du bien offert à la vente et en matière de cession de parts sociales pour la non-révélation au cédant, de la part du président de société, d'informations privilégiées relatives à la cession d'actions non- côtées. On est face à une jurisprudence confuse. Si la Cour de cassation rejette explicitement le dol, implicitement elle rejette l'erreur commise par la venderesse. [...]
[...] Si le Code Civil dispose en son article 1109 qu'il« n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur la jurisprudence refuse cependant d'annuler un contrat pour erreur lorsque cette erreur apparaît inexcusable. Or c'est ce que semble faire la Cour de cassation implicitement. En effet, on ne trouve nulle part dans l'arrêt une mention sur l'erreur commise par la venderesse sur la valeur des photographies. La Cour de cassation semble estimer qu'au vu des circonstances, Mme Boucher a commis une erreur inexcusable en ne se renseignant pas sur la valeur des photographies. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture