En l'espèce, une société reçoit à titre de dation en paiement des caravanes de la part de son débiteur. Avant la remise de la créance, le dirigeant de la société débitrice vend à des tiers les biens formant la créance puis disparaît. Le créancier assuré contre le vol veut faire jouer son assurance pour obtenir sa garantie, celle-ci refuse, ce qui conduit à une assignation en justice.
Le transfert de propriété, dans le cadre d'une dation en paiement, est-il soumis à la tradition même de la chose ?
[...] En effet, pour les partisans de la dation en paiement en tant que contrat réel, pouvait être avancé l'argument de l'origine romaine de la dation, qui était alors indissociable de la tradition de la chose. On retrouve alors l'argument de la cour d'appel de Colmar, en ce qu'elle a lié dans sa décision dation et tradition. Néanmoins, ce dernier argument peut-être contré en faisant valoir que dans le droit romain, droit formaliste et ne connaissant pas l'abstraction, cette notion de transfert de propriété par le seul consentement des parties n'était pas connue. Or, aujourd'hui il en est tout autrement, l'article 1138 du Code civil en constitue la preuve. [...]
[...] La cour d'appel de Colmar déboute le créancier de sa demande le 9 janvier 1991 aux motifs que le transfert de propriété qu'opère la dation en paiement ne joue qu'au moment de la tradition du bien. Le transfert de propriété, dans le cadre d'une dation en paiement, est-il soumis à la tradition même de la chose ? La première chambre civile de la Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel le 27 janvier 1993 aux motifs que la cour d'appel aurait violé l'article 1138 du Code civil disposant que l'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes et rend le créancier propriétaire puisque les parties n'ayant pas manifesté la volonté de déroger à cette règle, elles restent soumises à ce principe. [...]
[...] En effet, par cet arrêt la Cour de cassation établit que la dation en paiement ne constitue pas une dérogation à l'application du principe disposé à l'article 1138 du Code civil prévoyant le transfert de la propriété par le seul échange des consentements. Or cette solution ne paraît pas à première vue évidente, puisque la cour d'appel donne la solution inverse formulée en ces termes la dation en paiement n'opère transfert de propriété que lorsque la chose est effectivement reçue par celui à qui elle est donnée Autrement dit, dans le cadre d'une dation en paiement, le transfert de propriété serait automatiquement lié à la tradition même de la chose. [...]
[...] A l'inverse, la solution de la Cour de cassation, paraît plus équitable à l'égard du créancier, victime. En effet, en appliquant le principe du transfert consensuel de la propriété en application de l'article 1138 du Code civil, la cour lui a permis de pouvoir bénéficier de sa garantie, puisque dans ce cas le débiteur n'est plus propriétaire de la chose, mais un simple détenteur de celle-ci de façon temporaire, c'est-à- dire jusqu'à la remise de celle-ci au créancier. Ce dernier est alors le véritable propriétaire de la chose, de telle sorte que le vol est bel et bien avéré, lui permettant ainsi d'obtenir la garantie, à laquelle il avait droit. [...]
[...] De même, était appliquée à la dation en paiement l'action en rescision pour lésion notamment dans un arrêt de la troisième chambre civile rendu le 4 juillet 1968. Ainsi, l'arrêt de la première chambre civile confirme cette orientation prise par la jurisprudence, puisqu'en admettant que la dation en paiement était soumise à la règle du transfert de propriété par le seul échange du consentement, la dation en paiement revêt alors le caractère définissant le contrat consensuel. Aussi, cette solution paraît d'autant plus juste, puisqu'en l'espèce, elle est largement favorable à la partie lésée, le créancier Un statut protégeant le créancier, victime de la malhonnêteté de son débiteur En effet, il était question pour le créancier d'obtenir la garantie que lui offrait son assurance, garantie à laquelle il avait droit en principe puisque la société créancière était bel et bien assurée contre le vol. [...]
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