Il est, parfois, des arrêts de la Cour de cassation qui s'avèrent remarquables en ce qu'ils contribuent à clarifier le droit et permettent de saisir les méandres d'un raisonnement juridique fondamental parfois très complexe. Ces décisions doivent être soulignées. Participe de cette cohérence l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour régulatrice le 20 février 2007 à propos des sûretés réelles pour autrui.
L'associé fondateur d'une société -époux commun en biens-, s'était porté caution de l'ensemble des engagements pris par celle-ci. En outre, un prêt en vue de financer l'acquisition, par la société, du compte courant de la caution avait été garanti, dans son montant, par le nantissement -en 1997- notamment de deux contrats d'assurance-vie souscrits par l'associé. La société ayant été placée en liquidation judiciaire, le créancier avait assigné ce dernier, comme caution et constituant, en exécution de ses engagements. Considérant que ce « cautionnement réel », portant sur une chose commune, avait été constitué sans l'accord de l'épouse, l'associé ne pouvait valablement souscrire une telle garantie. C'est sur ce point que la Cour régulatrice fût amenée à se prononcer, saisie, principalement, d'un pourvoi par la banque.
Partant, le dirigeant social d'une société peut-il valablement nantir les contrats d'assurance appartenant à la communauté sans l'accord de son épouse ?
[...] Ce fut d'ailleurs la solution qui avait été retenue par le projet de réforme Grimaldi, lequel prévoyait un nouvel article 2295 du Code civil qui disposait que le cautionnement réel est une sûreté réelle constituée pour garantir la dette d'autrui. Le créancier n'a d'action que sur le bien qui en forme l'objet Si la solution n'a donc pas été retenue en législation, elle est néanmoins consacrée pour partie par l'arrêt commenté comme évoquant sous-jacent, l'idée d'une pure sureté réelle pour autrui. [...]
[...] Et, sur ce point, il n'est pas absurde (v.supra) de s'attacher aux règles du cautionnement envisagées comme garantie, peu importe qu'elles soient personnelles, stipulées pour autrui. Ce pourrait être le cas du recours subrogatoire (art Code civil) qui s'envisage dès lors que le solvens a payé au lieu et place de l'accipiens. L'auteur propose également de s'inspirer, très justement, de l'hypothèque qui régit la situation du tiers détenteur dont la seule véritable différence avec le cas étudié consiste en ce que ce tiers ne soit pas partie à la convention qui a donné naissance à la sureté (Mignot préc. [...]
[...] En outre, la solution méprise le caractère réel de la sûreté : le bien affecté n'est considéré que comme une simple valeur permettant l'évaluation de l'engagement de caution, et ce d'autant que l'appréciation de ladite valeur, plus généralement la détermination de l'engagement de caution, pourra se révéler compliquée et incertaine au moment des poursuites (en ce sens; Ph.Théry, RD imm obs ss. Cass.com 27 oct. 1998). Cette conception est sans doute bien trop souple avec les notions traditionnelles de notre droit des suretés pour qu'elle soit pleinement satisfaisante. [...]
[...] Pourquoi n'appliquerait-on pas à la sureté réelle pour autrui le régime de la garantie autonome ? L'idée, finalement, est fort bien résumée par l'avocat général prés la cour de cassation (avis sur cet arrêt préc.) : le constituant pour autrui garantit sur un de ses biens - "réellement" - la dette du débiteur, avec affectation privilégiée de ce bien, alors que la caution garantit aussi cette dette, mais "personnellement", en conférant au créancier le droit de gage général sur son patrimoine, mais sans privilège Concrètement, en cas d'inexécution de la part du débiteur principal, le constituant pour autrui ne paie pas la dette, mais procure au créancier la valeur du bien, en l'occurrence, nanti. [...]
[...] p.327) et c'est sans doute ce qui a motivé la première chambre civile à reprendre la conception mixte de la sureté réelle stipulée pour autrui (confer Saint rose, avis préc.). L'idée correspondrait d'ailleurs assez bien à l'esprit de l'article 1415 qui est celle de protection des biens de la communauté (P.Crocq, obs ss juin 2006 in RTDciv Elle s'entendait au surplus, à l'aune d'une application a forciori de l'article 1415 qu'avait pu emprunter la Cour suprême dans son arrêt du 20 juin 2006 : il est parfois plus dangereux de garantir réellement autrui que de se porter personnellement caution de la dette d'autrui. [...]
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