L'arrêt rendu par la première chambre civile de la cour de cassation, en date du 16 mars 2004, apporte un assouplissement à la force obligatoire des contrats. En 1984, la commune de Cluses, l'Association Foyer Jeunes Travailleurs (AFJT) et la société Les repas Parisiens (LRP) ont signé une convention tripartite pour une durée de dix ans. Ce contrat supposait que l'AFJT sous traite à la LRP, avec l'accord de la commune de Cluses, l'exploitation d'un restaurant à caractère social dont elle avait la concession depuis 1974.
La LRP devait alors payer un loyer annuel à l'AFJT et une redevance à la commune et obtenait de ces deux cocontractants des travaux d'investissement. Cependant, en 1989, la LRP résilia unilatéralement le contrat au motif qu'elle se trouvait dans l'impossibilité économique de poursuivre l'exploitation. La LRP a alors saisi le Tribunal administratif de Grenoble pour obtenir la résiliation de son contrat.
La LRP estime que les personnes morales concédantes avaient le devoir de la mettre en mesure d'exécuter son contrat dans des conditions qui ne soient pas manifestement excessives pour elle et d'accepter de reconsidérer les conditions de la convention dès lors que dans son économie générale, un déséquilibre manifeste était apparu. En réalité, la LRP se fonde sur un déséquilibre financier existant dès la formation du contrat. Dans ces conditions, peut-on renégocier une convention à cause de son déséquilibre ? Dans quelles conditions cela est-il possible?
[...] Elle reprochait à l'arrêt de lui avoir refusé la possibilité de renégocier une convention gravement déséquilibrée à son détriment aux motifs que cet équilibre financier n'aurait pas été rompu en raison de circonstances économiques imprévues et fit valoir qu'une faute aurait été commise dans la conclusion même du contrat portant atteinte au principe de loyauté qui imposerait aux contractants de veiller à ce que l'économie générale ne soit pas manifestement déséquilibrée. Elle estime que les personnes morales concédantes avaient le devoir de la mettre en mesure d'exécuter son contrat dans des conditions qui ne soient pas manifestement excessives pour elle et d'accepter de reconsidérer les conditions de la convention dès lors que dans son économie générale, un déséquilibre manifeste était apparu. En réalité, la LRP se fonde sur un déséquilibre financier existant dès la formation du contrat. Dans ces conditions, peut-on renégocier une convention à cause de son déséquilibre ? [...]
[...] C'est ce que l'on a appelé la théorie de l'imprévision, dont le régime diffère selon la qualification du contrat. Un célèbre arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 mars 1876 Canal de Craponne a rejeté cette théorie de l'imprévision en estimant que les parties étaient tenues par les termes du contrat qu'elles ont signé et ne pouvaient s'en défaire. La cour a précisé que même les tribunaux n'avaient pas la compétence de modifier les conventions. Cependant les parties peuvent avoir prévu dans leur convention une clause dite d'imprévision les autorisant à modifier au besoin celle-ci. [...]
[...] Il appartenait alors à la société, en sa qualité de professionnel d'être le meilleur juge de ses propres intérêts car elle-même les avait déterminés librement et elle dut alors en assumer pleinement la responsabilité. Le déséquilibre n'autorisait alors pas la société à rompre unilatéralement le lien contractuel ni en réclamer la renégociation. La jurisprudence de 1998 qui avait accordé à un contractant le droit de mettre fin unilatéralement à son contrat à la condition d'un comportement grave du cocontractant ne peut trouver son application ici. [...]
[...] Avec l'arrêt de 2004, cette hypothèse est battue en brèche, la convention tripartite n'entrant dans aucune catégorie des contrats de distribution. Dans ces conditions, il semble apparaître que le devoir de bonne foi impose une obligation de renégocier tout contrat atteint soudainement d'un déséquilibre. B : vers un futur revirement de jurisprudence ? Certains doctrinaires tels que Monsieur Jacques Ghestin n'ont pas entendu le et non de la cour de cassation comme un Obiter Dictum mais un simple rappel de l'argumentation du demandeur au pourvoir. [...]
[...] C'est donc pour ces raisons que la cour rejette le pourvoi de la société qui avait le devoir de constater le déséquilibre contractuel lors de la conclusion du contrat. Elle montre dans sa décision que sa position s'inscrit dans la continuité de celle de la chambre commerciale, mais elle ne reconnait pas la possibilité de porter atteinte à la force obligatoire du contrat et ne remet alors pas en question la solution donnée dans l'arrêt Canal de Craponne Cependant, l'arrêt maintient un doute sur les types de contrats dans lesquels une telle obligation de renégocier est possible. [...]
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