Dans le premier arrêt rendu par la chambre mixte, un acte de donation-partage, dressé le 18 décembre 1957, attribue à Mme. A. un bien situé à Haapiti. Cet acte comprenait un pacte de préférence qui devait permettre à Mme X de se voir proposer en priorité la vente du bien. Une parcelle dépendant de ce bien a été transmise à M. A. par donation-partage du 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence. M. Ruini a vendu cette parcelle le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude. En 1992, Mme. X. invoque une violation du pacte de préférence stipulé dans l'acte du 18 décembre 1957, dont elle tenait ses droits en tant qu'attributaire. Elle demande sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts.
Le problème qui se pose est celui de la substitution du bénéficiaire d'un pacte de préférence au tiers acquéreur qui lui aurait été préféré, dans le cas où le tiers en question n'avait pas connaissance de l'existence de ce pacte et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. Le bénéficiaire peut-il exiger l'exécution en nature ?
Dans le second arrêt rendu par la troisième chambre civile, M.X. a fait apport à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie du Lion de son fonds de commerce de pharmacie et du bail commercial contenant au profit de l'apporteur un pacte de préférence immobilier consenti par Mme Irma Y., bailleresse, qui a agréé l'apport. Suite au décès de Mme Irma Y., son héritière, Mme Romaine Y., a vendu à la société civile immobilière (SCI) Serp l'immeuble donné à bail.
La SELARL, se disant bénéficiaire du pacte de préférence consenti à l'origine à M.X. et soutenant que la vente avait été conclue au mépris de ses droits, a assigné Mme A. en qualité de tutrice de Mme Romaine Y. et la SCI en nullité de cette vente.
La question qui se pose ici est relative au sort du contrat conclu entre le promettant du pacte et un tiers au mépris du droit du bénéficiaire du pacte : la conclusion d'un contrat entre le débiteur d'un pacte de préférence et un tiers au mépris du droit du créancier doit être sanctionnée par la nullité de cette convention ?
[...] La Cour de cassation estime que la Cour d'appel a légalement justifié sa décision, car celle-ci a exactement déduit que le pacte de préférence était opposable à la SCI et a estimé que les parties à l'apport n'avaient cessé de manifester leur volonté de maintenir leurs obligations et droits contenus dans le contrat de bail initial quand bien même le bail aurait été renouvelé et que la SELARL s'était substituée à M.X. Ainsi, malgré cette substitution, la SCI ne pouvait ignorer le droit de préférence accordé à la SELARL, en tant que bénéficiaire du pacte de préférence. Dès lors, la violation de ce droit peut être sanctionnée en nature, et non pas seulement par le versement de dommages et intérêts. La Cour rejette le pourvoi de la SCI Serp. [...]
[...] La Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article 1142 du Code civil. Problème juridique La question qui se pose ici est relative au sort du contrat conclu entre le promettant du pacte et un tiers au mépris du droit du bénéficiaire du pacte : la conclusion d'un contrat entre le débiteur d'un pacte de préférence et un tiers au mépris du droit du créancier doit-être sanctionnée par la nullité de cette convention ? [...]
[...] La Cour ne juge pas le fond mais la forme : il reste le problème épineux de la lettre montrant l'intention de la SELARL de se prévaloir de son droit préférence. La Cour d'appel ne l'a pas utilisée, et par conséquent n'a pas démontré qu'au moment où la SCI a contracté, elle avait connaissance du droit de préférence de la SELARL et de son intention de s'en prévaloir. On pourrait donc estimer que, sur la forme, la Cour d'appel aurait dû faire référence à cette lettre : cette lacune aurait pu lui être reprochée par la Cour de cassation. [...]
[...] Appréciation critique sur ce raisonnement La Cour de cassation doit se concentrer sur la sanction, autrement dit sur la réparation qu'induit la violation du pacte de préférence. La Cour de cassation affirme que la nature de la sanction ne dépend pas uniquement du fait que l'acte violé est un pacte de préférence. La bonne foi du tiers doit être considérée. L'étude de cet arrêt s'intéresse tout d'abord à l'évolution de la nature de la sanction considérée comme applicable par la Cour de cassation, ainsi qu'aux problèmes soulevés par l'application de la sanction en nature. [...]
[...] Quelle est la nature de la sanction applicable à la violation d'un pacte de préférence ? Le bénéficiaire du pacte de préférence peut toujours réclamer des dommages- intérêts, mais pour ce qui est de la sanction en nature, son application dépendra de la connaissance ou non de l'existence du pacte de préférence par le tiers, et de sa connaissance ou non de la volonté du tiers de s'en prévaloir : si celui-ci était au courant une sanction en nature est envisageable, c'est à dire que le bénéficiaire sera substitué dans les droits de l'acquéreur et sous les mêmes conditions que celles négociées par lui. [...]
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