Pendant longtemps, les sanctions, en cas de violation, étaient conçues de manière restrictive. Elles consistaient en l'octroi de dommages et intérêts voire, parfois, en l'annulation de la vente effectuée en violation du pacte de préférence. Les promettants pouvaient donc ainsi facilement ne pas tenir leur engagement et vider le pacte de sa force obligatoire.
C'est à cet « adultère contractuel » qu'a voulu mettre fin la Cour de cassation en admettant, pour la première fois et à certaines conditions, la substitution du bénéficiaire du pacte au tiers acquéreur en cas de violation du pacte, dans un spectaculaire revirement de jurisprudence rendu par la chambre mixte le 26 mai 2006. Elle apporte ultérieurement, dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 25 mars 2009, des précisions quant à l'appréciation des conditions exigées pour la substitution.
Dans l'arrêt en date du 26 mai 2006, un acte de donation-partage, contenant un pacte de préférence, attribue la propriété d'une parcelle. Puis, son propriétaire procède à la vente de ladite parcelle et, ce, au mépris des obligations inhérentes au pacte de préférence qu'il avait conclu en ratifiant l'acte de donation partage. En effet, la parcelle litigieuse est cédée à une société tierce. Le bénéficiaire du pacte décide alors d'assigner celui-ci et la société afin d'obtenir l'annulation du contrat, sa substitution dans les droits de la société et, subsidiairement, l' octroi de dommages et intérêts.
Dans l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 25 mars 2009, un acte de donation-partage, dressé en 1992 et contenant un pacte de préférence, attribue des droits sur un immeuble. Le 30 avril 2003, la propriétaire conclut une promesse synallagmatique de vente portant sur ledit immeuble et l'acte authentique de vente est signé le 29 septembre 2003. Le bénéficiaire du pacte de préférence assigne alors la propriétaire et demande sa substitution dans les droits des acquéreurs.
Les questions de droit suscitées par ces deux arrêts amènent la Cour de cassation à répondre à la problématique suivante : dans quelle mesure la sanction de la violation d'un pacte de préférence peut-elle se traduire par la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers subrogé ?
[...] Le bénéficiaire ne peut ainsi que se retourner contre le promettant sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour obtenir des dommages et intérêts. Cette solution apparait légitime et comme assurant une sécurité juridique, dans la mesure où l'on ne peut priver le tiers acquéreur du droit réel qu'il a obtenu de bonne foi. Il faut de plus noter que, ce droit réel est opposable à tous contrairement au droit personnel dont dispose le bénéficiaire du pacte de préférence. Par ailleurs, ce cadre juridique parait justifié au regard des effets de la substitution. [...]
[...] En effet, cela rétablirait un équilibre et même une justice entre les parties ayant choisi de ne pas faire de la réitération un élément constitutif de la vente et entre celles qui l'ont considérée comme tel. Ainsi, la date d'appréciation des conditions de la substitution ne dépendrait pas du caractère conféré à la réitération de la vente (formalité ou élément constitutif de la vente). Cela apparaît d'autant plus pertinent lorsque l'on sait que le principe, sauf volonté contraire des parties, reste que la réitération par acte authentique n'est qu'une formalité. Note B. THUILLIER, CCC 1997, 129 (Libchaber, Defrénois 2007. [...]
[...] Il n'est engagé qu'à partir du moment où il décide de vendre son bien, décision qui n'est, de surcroît, même pas obligatoire. Ainsi, même si la substitution en matière de pacte de préférence est la bienvenue, elle semble exagérée par rapport à la sanction de la violation d'une promesse unilatérale de vente. La Cour de Cassation admet ainsi la sanction de la substitution du bénéficiaire du pacte violé dans les droits du tiers acquéreur aux droits de l'acquéreur. En définitive, cette dernière entend procéder à une exécution forcée du pacte de préférence, exécution que la Haute juridiction civile tente de limiter. [...]
[...] Par ailleurs, il faut noter que le critère de l'appréciation des conditions retenu peut sembler critiquable dans la mesure où, si, comme en l'espèce, la mauvaise foi du tiers acquéreur est prouvée après la date de la promesse de vente, le bénéficiaire ne pourra pas obtenir la substitution et le comportement frauduleux du tiers ne sera pas aussi sévèrement puni. En effet, les seules sanctions seront l'annulation de la vente et l'octroi de dommages et intérêts. De ce point de vue, la sécurité contractuelle ne serait pas parfaitement préservée. De même, une injustice contractuelle peut être caractérisée. [...]
[...] Si la Cour de Cassation a subordonné l'exécution forcée du pacte de préférence à la réunion de deux conditions strictes, elle a récemment précisé la date à laquelle il convient d'apprécier leur cumul. B. La date d'appréciation des conditions cumulatives Dans son arrêt en date du 25 mars 2009, la Cour de Cassation précise un point non soulevé par l'arrêt du 26 mai 2006 : celui de la date d'appréciation des conditions cumulatives. Elle déclare : Qu'en statuant ainsi, alors que la connaissance du pacte de préférence et de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir s'apprécie à la date de la promesse de vente, qui vaut vente, et non à celle de sa réitération par acte authentique, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les parties avaient entendu faire de celle-ci un élément constitutif de leur engagement, a violé les textes susvisés Ainsi, elle considère que lorsqu'une promesse de vente vaut vente et que sa réitération par acte authentique est considérée comme une simple formalité par les parties, l'appréciation des conditions doit se faire au jour de la promesse. [...]
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