Dans l'affaire tranchée par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 7 avril 1998, deux sociétés engagent des pourparlers à propos d'un nouveau procédé breveté. Au bout de quatre ans d'études de faisabilité fructueuses, la société qui est à l'initiative des pourparlers se retire des négociations au motif de raisons internes au groupe. L'autre société, s'estimant lésée lourdement par cet abandon, réclame une réparation du préjudice causé. Le juge du fond fait droit à la demande, confirmée en appel avec une hausse substantielle du montant des dommages-intérêts réclamés à la société fautive de l'affaire. Celle-ci, rappelant la liberté de ne pas contracter, forme un pourvoi en cassation.
La question qui se pose à la Cour de cassation est donc de savoir si la rupture de pourparlers, dont le caractère laissait supposer la formation d'un contrat, est susceptible d'engager la responsabilité de l'auteur de la rupture.
[...] Dans ses moyens, la société requérante signale que sa décision ne tenait aucunement au résultat des dites études De manière indépendante, c'est la cour d'appel qui a décidé de l'illégitimité des raisons internes au groupe En se tenant à l'autorité de la chose jugée, l'autorité publique a donc estimé, que ce soit à juste titre ou non, que la faute était certaine. Or l'appréciation reste toujours subjective. L'auteur du préjudice, Sandoz, autrement dit la société qui décide d'interrompre des pourparlers dont l'issue aurait dû être certaine, est donc jugé fautif du dommage causé à la société interlocutrice. C'est en tout cas ce qu'a décidé sans contrepartie la chambre commerciale de la Cour de cassation le 7 avril 1998. [...]
[...] Donc les conditions requises, de manière prétorienne, pour valider une rupture des pourparlers ont été probablement remplies : il faut chercher la responsabilité autre part. Dans la rupture précontractuelle, l'idée essentielle est la liberté de contracter. Il s'agit en effet d'avoir la possibilité à tout moment d'interrompre les négociations, de ne pas signer le contrat alors que les volontés ont été satisfaites par l'autre partie. Dans ce cas, il parait insensé d'affliger à la partie qui se désiste des dommages-intérêts considérables. [...]
[...] Partant de cette supposition, le dommage qui devrait en résulter n'a pas lieu d'être, et constitue un préjudice difficilement appréciable. B. Un préjudice difficilement appréciable Bien que les pertes résultant de l'abandon soient clairement identifiées, il reste néanmoins très difficile de mesurer les pertes exactes qui en découlent. L'incertitude est en effet une variable très présente, tout comme la variable des coûts réels que le droit n'est pas apte à mesurer, même en matière contractuelle. Le juge doit donc arbitrer. [...]
[...] Or, la Cour de cassation semble oublier cette variable, penchant pour la certitude d'un l'accord hypothétique, et donc de la certitude des dommages qui découlent du non- accord. Il s'agit donc d'un premier point à critiquer. En outre, il est indispensable de mesurer la variable des coûts réels, également très floue en l'espèce. Dans cette mesure, il faut prendre en compte le fait que la non-exécution d'un contrat qui n'existe pas revient à considérer des obligations fictives. Comme le dicte la règle, nul n'est tenu de conclure un contrat, autrement dit de s'engager envers un autre par l'intermédiaire d'obligations. [...]
[...] La Cour a par ailleurs confirmé les dommages-intérêts en faveur de la victime, observant que l'engagement prolongé des sociétés avait immobilisé en pure perte le procédé breveté et fait divulguer le savoir-faire de la société lésée. La décision du 7 avril 1998 précise ainsi les règles auxquelles sont assujettis les pourparlers dans le domaine contractuel, et plus précisément dans la phase précontractuelle. L'idée fondamentale est la liberté de contracter ou non, dès lors que l'acceptation ferme de l'offreur et du demandeur n'a pas été consentie. [...]
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