Les créanciers prévoyants peuvent se couvrir du risque de la procédure collective de leurs débiteurs. Ainsi, le créancier qui stipule une clause de réserve de propriété peut utiliser habilement son droit de propriété. C'est ce que démontre en partie cet arrêt de la Cour de cassation en date du 5 mars 2002. En l'espèce, un pharmacien avait acheté avec clause de réserve de propriété des médicaments auprès d'un créancier grossiste. Plus tard, le débiteur fut placé en redressement judiciaire.
Le débiteur avait revendiqué les marchandises vendues. Le tribunal avait accueilli la demande en revendication. Peu après, la liquidation judiciaire du pharmacien fut prononcée. A cette occasion, la Cour d'appel avait reformé le jugement et avait limité la demande en revendication aux marchandises retrouvées en nature chez le débiteur. Le liquidateur et le pharmacien se pourvurent en cassation.
Il convient dès lors de se demander, si l'action en revendication sur des médicaments vendus avec une clause de réserve de propriété peut être recevable alors même que la marchandise constatée à l'inventaire n'était pas identifiée comme celle du vendeur.
[...] De plus, la constatation du caractère fongible tient ici à l'essence même du médicament. La marchandise ne peut être transformée (la couleur du médicament ne peut, par exemple, être changée). La solution aurait-elle été différente si la pharmacie avait commandé des médicaments génériques ? Ceux ci ne semblent pas avoir une qualité différente des médicaments commandés puisqu'ils contiennent la même molécule qui affecte le malade. En revanche, ils sont d'une espèce différente puisqu'ils ne sont pas facturés de la même manière. [...]
[...] Deuxièmement, le créancier débiteur est déjà protégé par la possibilité d'exercer un droit de propriété sur des biens qu'il n'a pas acquis. De ce fait, cette double protection bouleverse l'économie du contrat de vente assorti d'une réserve de propriété. De la même manière, il faut prendre en compte le fait que le débiteur est en situation de liquidation judiciaire et que l'actif restant est le gage des créanciers chirographaires. La présomption de preuve du caractère fongible semble par conséquent disproportionnée au vue de l'économie du contrat. L'exclusion de la preuve de la rotation rapide des stocks. [...]
[...] Ce raisonnement est critiquable car il est en inadéquation avec la présomption de preuve instituée. La rotation rapide des stocks n'est pas ici une preuve suffisante de la différence d'espèce ou de nature, ce ne semble pas être un ajout de conditions. [...]
[...] En réalité, la justification de la Cour de cassation semble inappropriée. L'article L 621-122 du Code du commerce ne fait pas état de la moindre référence à une question de preuve. La règle est donc par essence une règle de fond. L'exclusion de la preuve de la rotation rapide des stocks est ici justifiée par l'application stricte des deux conditions. Il faut en effet se demander si cette justification n'est pas une démonstration de l'absence de la similitude d'espèce et de qualité. [...]
[...] En effet, le médicament disposant d'une date de péremption, il aurait pu être considéré comme non interchangeable. Mais, la Cour de cassation constate l'absence de contestation. Enfin, l'interprétation de cet article semble être justifiée d'un point de vue doctrinal. En effet, si les choses sont de mêmes natures et de mêmes espèces, elles forment une sorte d' universalité un tout saisissable par le revendicateur. Par conséquent, la doctrine considère que le créancier a un droit réel sur la chose d'autrui. Ainsi, leur identification en tant que marchandise identifiable n'influe pas sur le caractère fongible. [...]
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