Si, pour Bigot de Préameneu, elle est « le plus heureux des moyens de mettre fin à litige », la transaction n'en suscite pas moins quelques interrogations sur son articulation avec quelques grands mécanismes du régime des obligations tels que la solidarité passive. C'était précisément le thème de cet arrêt de rejet de la chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu le 28 mars 2006.
Les faits en cause étaient les suivants: une société Madrid films s'était vu confier l'accomplissement de travaux par une société Les Films Number One. Le paiement de ces travaux n‘ayant pas été réalisé, la société Madrid films a assigné en paiement les sociétés Les Films Number One et Cipa, celles-ci s'étant, selon la société Madrid films, comportées à son égard comme des associés d'une société créée de fait. En cours d'instance, la société Madrid films et la société Les Films Number One passent un accord transactionnel dans lequel elles se déclarent pleinement remplies de leurs droits et renoncent à toutes actions et instances en cours ou futures concernant les faits énumérés par ce même accord.
Dans un arrêt infirmatif du 17 septembre 2003, la Cour d'appel de Paris déclara irrecevable l'action de la société Madrid films à l'encontre de la société Cipa, jugeant que la société Les Films Number One et la société Cipa avaient créé aux yeux de la société Madrid films une société créée de fait. Corrélativement, elle les a considérées comme étant tenues par une solidarité parfaite en application des articles 1872-1, alinéa 2, et 1873 du Code civil. La société Cipa pouvait donc invoquer le bénéfice de la transaction intervenue entre son codébiteur et le créancier commun pour mettre fin aux instances en cours. La société Madrid films a alors formé un pourvoi en cassation, reprochant par trois arguments aux juges du fond d'avoir rejeté son action.
Dès lors, la question qui se posait à la Cour de cassation était de savoir si un débiteur pouvait se prévaloir de la transaction intervenue entre son codébiteur et leur créancier commun.
[...] Le pourvoi fait même un argument de ce manque: sans même préciser l'avantage que la société CIPA pouvait en retirer Il est vrai que l'avantage, sorti de la définition qui vaut pour le profane, est un terme qui n'est pas vraiment établi dans le domaine juridique. On le rencontre dans la notion davantage matrimoniale et de manière implicite dans la stipulation pour autrui, ce qui est relativement mince pour en tirer des conséquences. Tout au plus certains auteurs proposent-ils d'y voir un lien de parenté avec la notion d'intérêt utilisée en matière procédurale qui désigne celui qui a subi l'atteinte ou celui qui profitera de l'avantage (G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, PUF). [...]
[...] L'arrêt peut également s'accorder avec la solution dégagée par la première chambre civile en son arrêt du 25 février 2003, même si cette fois il n'était pas question de solidarité: Si, selon l'article 2051 du Code civil, la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres et ne peut être opposée par eux, il en est autrement lorsqu'il renonce expressément à un droit dans cet acte l'avantage retiré ici étant la renonciation à un droit de poursuite. L'opposabilité d'une transaction a ainsi vocation à avoir une portée relativement large, l'apport de l'arrêt étant son application pour la première fois dans un rapport solidaire, et ce, au détriment de la théorie de la représentation mutuelle. Cette solution devrait conduire à revoir certaines règles en matière de voies de recours, tandis que désormais la transaction produirait les mêmes effets qu'une remise de dette faite à un codébiteur. [...]
[...] La chambre commerciale répond positivement à cette question et rejette ainsi le pourvoi de la société Madrid Films. Conséquemment, elle approuve la décision de la Cour d'appel de Paris jugeant que la société Cipa était fondée à se prévaloir de la transaction mettant fin aux instances en cours, car les constatations des juges du fond faisaient ressortir que la transaction conférait à la société les films Number One un avantage dont, en tant que codébitrice solidaire, elle pouvait bénéficier. Aussi, il conviendra d'étudier dans un premier temps cette faculté pour le codébiteur solidaire à se prévaloir de la transaction conclue entre un autre codébiteur solidaire et leur créancier commun mais que cette faculté est conditionnée à la procuration d'un avantage par la transaction au codébiteur qui l'invoque (II). [...]
[...] Il reste ainsi bien peu d'éléments faisant l'originalité et le particularisme de la solidarité. Ces constatations amènent à se demander pour conclure si une autre solution n'aurait pas été possible en l‘espèce. X. [...]
[...] L‘opposabilité de la transaction par le tiers codébiteur La première conséquence de l'abandon du fondement de la représentation mutuelle est la contribution apportée à l'œuvre de clarification du statut juridique de celui qui peut invoquer la transaction. Car s'il ne s'agit plus d'une personne représentée que l'on pourrait presque assimiler à une partie, alors il s'agit d'un tiers. En l'espèce, les demandeurs faisaient valoir dans un des arguments de leur pourvoi une atteinte au principe de la relativité des conventions fondé sur l'article 1165 du Code civil. [...]
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