Dans l'arrêt SA Banchereau contre Sté Chronopost, daté du 26 octobre 1996, la chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur la validité d'une clause limitative de responsabilité portant sur une obligation essentielle du contrat.
La SA Banchereau avait, à deux reprises, confié à la Sté Chronopost un pli devant absolument être livré le lendemain avant midi comme s'y engage la Sté Chronopost. Cet engagement de ponctualité n'ayant pas été respecté, la SA Banchereau assigna en réparations de ses préjudices la Sté Chronopost qui invoque alors une clause limitant l'indemnisation du retard au prix du transport. En appel, Chronopost, l'appelant, obtient gain de cause : le 30 juin 1993, dans un arrêt infirmant le jugement de première instance, la Cour d'Appel de Rennes estime que la clause limitative de responsabilité ne peut être écartée, Chronopost n'ayant pas commis de faute lourde. S'étant pourvu en cassation, la SA Banchereau obtient, dans l'arrêt étudié, la cassation et le renvoi au motif « qu'en raison du manquement à [l'obligation essentielle de célérité], la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l'engagement pris, devait être réputée non écrite. »
Sans nier l'absence de faute lourde exclusive de la limitation de responsabilité, la chambre commerciale estime que la clause limitative de responsabilité touche à l'essence du contrat, à son obligation essentielle donc à sa cause. A ce titre, plutôt que la nullité totale du contrat, solution traditionnelle en cas de défaut de cause, elle décide que cette clause doit être réputée non écrite, solution voisine de celle de la clause abusive.
L'arrêt met ainsi en évidence deux moyens pour faire échec à la limitation contractuelle de responsabilité (I), la chambre commerciale recourant à cette fin à une sanction originale : la clause réputée non écrite (II)
[...] Cependant la solution est exactement identique : les clauses abusives sont réputées non écrites (article L132-1 alinéa 6 du Code de la consommation). Cette décision s'inscrit pleinement dans une tendance récente à protéger une partie contre la position dominante d'une autre, au prix parfois d'une interprétation souple de l'article 1134 du Code civil et d'un certain interventionnisme du juge dans les contrats. [...]
[...] La cause et l'obligation essentielle sont comme les reflets l'une de l'autre. Le raisonnement de la Cour est donc le suivant : une clause limitative de responsabilité ne doit pas décharger l'un des cocontractants d'une obligation essentielle car une telle stipulation priverait l'autre partie de cause. La Cour s'oppose à ce que l'engagement portant sur l'obligation principale soit anéanti par une clause de non-responsabilité puisqu'il n'y aurait plus de cause à l'obligation réciproque de l'autre partie. Toutefois, ce raisonnement est critiqué par certains auteurs au motif que l'article 1131 du Code civil serait dénaturé par l'extension de la notion de cause en dehors du contrat, l'obligation essentielle faisant valoir des causes lointaines. [...]
[...] puisque le défaut de cause n'entraîne plus automatiquement la nullité du contrat dans son ensemble. Une solution proche de la clause abusive Il est évident que la philosophie qui domine cet arrêt est celle de la clause abusive La SA Banchereau n'a pas usé de ce moyen et ce, à juste titre, puisque malgré une jurisprudence inconstante, la législation concernant les clauses abusives ne s'applique pas dans les contrats conclus entre professionnels (article L132-1 alinéa 1 du Code de la consommation a contrario). [...]
[...] Pourtant, si la sanction traditionnelle du contrat non causé est la nullité, la chambre commerciale opte ici pour une sanction originale : la clause réputée non écrite. II. Une sanction originale : la clause réputée non écrite Cette sanction, étonnante en ce qui concerne la cause, a pour but de ne pas faire encourir à l'acte une nullité totale mais seulement partielle 1). En usant de cette méthode, les juges penchent pour une solution proche de la clause abusive 2). [...]
[...] L'arrêt met ainsi en évidence deux moyens pour faire échec à la limitation contractuelle de responsabilité la chambre commerciale recourant à cette fin à une sanction originale : la clause réputée non écrite (II). I. La mise en échec de la limitation de responsabilité Traditionnellement, il est loisible aux parties de convenir de dispositions limitant leur responsabilité en cas de manquements dans l'exécution du contrat. Cependant, le juge peut exclure la limitation de responsabilité du contrat, notamment pour faute lourde laquelle n'est pas constatée en l'espèce. [...]
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