Décision unilatérale, perte de chance, pourparlers, rupture des pourparlers, mauvaise foi, liberté contractuelle
En l'espèce, une société (la société Manoukian) engage des négociations avec les actionnaires d'une autre société (la société Stuck, ayant pour actionnaires les consorts X) en vue de l'acquisition des actions composant le capital de cette société.
Au printemps 1997, les pourparlers sont entrepris.
Le 10 septembre, la société Stuck fait une promesse à la société Les complices.
Le 24 septembre 1997, un projet d'accord est établi stipulant plusieurs conditions suspensives devant être réalisées initialement avant le 10 octobre 1997.
Le 16 octobre, la société A.M. accepte les modifications formulées par les cédants et propose de reporter la date limite de réalisation des conditions au 15 novembre 1997.
Le 13 novembre 1997, un nouveau projet de cession est proposé aux consorts X.
Le 24 novembre 1997, la société A.M. apprend que les consorts X ont consenti, le 10 novembre, à une promesse de cession des actions de la société Stuck à la société Les complices.
[...] La privation ferme du préjudice de la perte de chance La Cour de cassation n'accorde pas le préjudice de la perte de chance : « attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ; attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la société Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; que le moyen n'est pas fondé » La Cour ne retient pas le préjudice lié à la perte de chance, c'est-à-dire la possibilité de conclure le contrat sur lequel portaient les négociations. Cette perte de chance peut être démontrée par la part de probabilité que le contrat aurait été effectivement conclue si la légitimité des pourparlers avait été respectée. La période précontractuelle indique que la victime n'a pas de chance réelle de réaliser les gains. La Cour de cassation a défini la perte de chance notamment dans deux arrêts (Cass. crim., 18 mars 1975, n° 74-92.118 et Cass. [...]
[...] La société Alain Manoukian forme un pourvoi en cassation aux moyens que les dommages-intérêts ne compensent pas la perte de sa chance d'obtenir des gains en cas de conclusion du contrat et que la société Les complices auraient dû être tenue responsable d'avoir garanti aux consorts X. La liberté contractuelle permet-elle de faire des négociations parallèles à d'autres engagements sans prévenir les personnes concernées ? Une rupture fautive de pourparlers doit-elle engager une réparation qui se contente de récupérer les dépenses engagées ou peut-elle demander une compensation pour d'autres préjudices subis ? [...]
[...] Cour de cassation, chambre commerciale, 26 novembre 2003, n° 00-10.243 et 00-10.949 - La liberté contractuelle permet-elle de faire des négociations parallèles à d'autres engagements sans prévenir les personnes concernées ? Définitions : Pourparlers : Les pourparlers désignent les discussions préliminaires entre parties en vue de négocier un accord ou un contrat, sans engagement juridique préalable. Ces échanges visent à explorer les conditions et modalités d'un éventuel accord. Bonne foi : Principe juridique selon lequel une personne agit de manière honnête, loyale et éclairée dans ses relations juridiques et dans l'exécution de ses obligations, sans chercher à tromper autrui. [...]
[...] L'article 1114 du Code civil prévoit que : « l'offre faite à personne déterminée ou indéterminée comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation ». L'invitation à entrer en pourparlers porte seulement sur certains éléments du contrat. Ainsi, en cas d'acceptation de l'offre de contracter, le contrat est formé tandis qu'en cas d'acceptation de l'invitation à entrer en pourparlers, le contrat n'est pas conclu. Ainsi, la liberté contractuelle concerne également les pourparlers, qui s'inscrivent dans une phase précontractuelle. [...]
[...] Les juges ont un pouvoir d'appréciation pour évaluer la bonne ou la mauvaise foi d'une partie lors des négociations. Ainsi, il est possible de faire des négociations parallèles aux pourparlers engagés précédemment, mais le fait de faire croire à un tiers que le contrat va s'opérer et qu'au final le contrat n'est pas réalisé fait preuve de mauvaise foi. L'appréciation souveraine des juges forme ici une insécurité juridique : les parties peuvent ne pas savoir quelles sont les limites de la bonne foi, ce qui peut compliquer la gestion des risques en cas de négociations. [...]
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