La validité des clauses limitatives de responsabilité peut être remise en cause dans certaines hypothèses. La jurisprudence a ainsi été confrontée à cette question dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 octobre 1996, dans lequel cette dernière a dû apprécier la validité d'une clause limitative de responsabilité au regard de l'obligation essentielle d'un contractant.
Une société souhaitant présenter un dossier de candidature dans le cadre d'un appel d'offres confie un pli à une société de transport rapide, qui s'est contractuellement engagée à le livrer le lendemain avant midi. Seulement, à la suite d'un retard inexpliqué, le pli ne parvient à son destinataire que le lendemain de la clôture des renvois et n'a pu donc être examiné. Ayant perdu une chance de présenter son dossier du fait du manquement contractuel du transporteur, l'expéditeur, son cocontractant entend agir en responsabilité afin d'obtenir réparation de son préjudice. La société spécialiste du transport rapide invoque alors pour sa défense une clause limitative de responsabilité faisant partie du contrat et limitant l'indemnisation du retard au prix du transport du pli.
[...] C'est ainsi le cas dans l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 janvier 1984, où la notion de faute lourde sera exploitée pour faire échec à une clause exonérant totalement le débiteur de sa responsabilité. En l'espèce, c'est la raison pour laquelle la Cour d'Appel de Rennes, constatant l'absence de faute lourde de la part du débiteur, décide de faire application de la clause limitative de responsabilité de la société spécialiste du transport rapide, consistant à limiter l'indemnisation du préjudice subi par l'expéditeur, au remboursement du transport du pli. [...]
[...] C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt très ancien datant du 6 mars 1876, l'arrêt Canal de Crapon, avait consacré le principe de non-révision pour imprévision, celui-ci débouchant sur le fait que même par souci d'équité, les juges n'avaient pas le pouvoir de modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants La critique selon laquelle le juge par son pouvoir d'écarter des clauses du contrat contredirait le principe de la force obligatoire du contrat est d'autant plus légitime que ce principe est tout à fait justifié. En effet, celui-ci se justifie par un besoin de sécurité juridique (Lécuyer définit le contrat comme un acte de prévision et par le souci du respect de la parole donnée. Il nous faut cependant nuancer cette critique. [...]
[...] L'expéditeur se pourvoit en cassation en faisant grief à l'arrêt de la Cour d'Appel d'avoir appliqué la clause limitative de responsabilité, limitant la réparation de son préjudice au remboursement du prix du transport du pli, alors même que cette dernière contredisait l'obligation de la société, à savoir livrer celui-ci dans un délai déterminé. La Cour de cassation se voit ainsi confrontée au problème de droit suivant : L'inexécution d'une obligation contractuelle essentielle peut-elle justifier la mise en échec d'une clause limitative d'indemnisation sur le fondement de l'article 1131 du Code civil ? La chambre commerciale de la Cour de cassation répond par l'affirmative. [...]
[...] En effet, la Cour de cassation en ayant recours à la notion de cause, va permettre de ne pas déresponsabiliser les parties au contrat, celles-ci ne pouvant invoquer des clauses qui contrediraient les obligations qu'elles s'étaient engagées à exécuter. Une justice contractuelle est consacrée. La clause limitative de responsabilité invoquée supprime donc la cause du contrat, élément pourtant essentiel à la validité de celui-ci en vertu de l'article 1131 du Code civil. Elle doit alors être réputée non écrite (II). II. Le sort de la clause limitative de responsabilité La clause limitative de responsabilité fait perdre au contrat sa cause. [...]
[...] Or, en contredisant son obligation essentielle, la clause fait disparaître la cause de l'engagement de l'expéditeur. En effet, ce dernier s'oblige à payer un surcoût afin que son pli soit livré dans un délai déterminé, mais il n'y a pas de contrepartie puisque, par l'invocation de cette clause, la société peut ne pas livrer le pli dans les temps. L'application de la clause doit donc être écartée. Cette solution permet de mettre en évidence le nouveau rôle que fait jouer la Cour de cassation à la cause. [...]
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