Dans l'arrêt du 1er mars 1994, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient ainsi élargir et assouplir les conditions de l'action paulienne dont le créancier peut se prévaloir. Le gérant de la société Hôtel café des sports a vendu à son épouse un fonds de commerce appartenant à la société. Le trésorier principal de Montrouge saisit les tribunaux pour demander que lui soit déclarée inopposable la cession consentie par le gérant.
Est-ce que l'action paulienne peut être mise en œuvre alors même que l'appauvrissement du débiteur ne constitue pas une diminution de l'actif de son patrimoine et que l'acte du débiteur n'a pas été pris avec l'intention de nuire ?
[...] Le créancier se prévaut donc de l'action paulienne contre ce dernier. La Cour d'appel de Versailles accueille la demande du créancier et lui permet d'intenter ladite action. Le litige est porté devant la Chambre commerciale qui va rejeter le pourvoi du débiteur. Celui-ci invoquait le fait qu'il n'y avait pas lieu de mettre en œuvre l'action paulienne, du fait qu'il n'y avait pas appauvrissement du débiteur ni fraude affectant les droits du créancier découlant de la cession. Mais est-ce l'action paulienne peut être mise en œuvre alors même que l'appauvrissement du débiteur ne constitue pas une diminution de l'actif de son patrimoine et que l'acte du débiteur n'a pas été pris avec l'intention de nuire ? [...]
[...] Autrement dit ce qui vient être sanctionné ici par la Chambre commerciale c'est justement le fait que lorsqu'il vend de biens faciles à saisir, le débiteur peut leur substituer des sommes dont les créanciers ne pourront probablement pas retrouver la trace. En somme, la Cour de cassation punit le fait d'affecter le droit de gage général reconnu au créancier, et ce quel qu'en soit le moyen d'affectation. Ainsi, la dissimulation ou du moins le fait de rendre plus ardue l'appréhension des biens saisissables, constitue en soi même une atteinte au droit de gage général, atteinte qui justifie l'existence de l'action paulienne et de ses effets protecteurs vis-à-vis du créancier. [...]
[...] Le débiteur s'est appauvri consciemment et cette seule conscience justifie que les droits de gage du créancier soient affectés. La Chambre commerciale avec cet arrêt vient véritablement assouplir la notion de fraude dans l'accomplissement des actes pris par le débiteur, qui diminuent son patrimoine et portent atteinte aux droits du créancier. Il y a une évolution entre le concept de fraude comme simple intention de nuire, vers un concept de fraude qui admet que la conscience du débiteur des effets de son acte constitue un comportement frauduleux qui cause un dommage au créancier. [...]
[...] Mais dans cet arrêt, la Cour de cassation met également en avant le concept de la fraude du tiers qui justifie la mise en œuvre de l'action paulienne. La fraude du tiers dans les actes onéreux du débiteur La Chambre commerciale affirme, pour rejeter le pourvoi et valider la décision de la Cour d'appel qui autorise l'action paulienne, que Mme X ne pouvait avoir ignoré la fraude commise par son mari, ayant été nécessairement consciente de l'opération et des fins poursuivies Effectivement, puisque la cession du bien litigieux avait été faite au profit de l'épouse du gérant de la société débitrice, il est admis en l'espèce que celle-ci avait forcément conscience des effets de l'acte pris par son mari. [...]
[...] Mais la Cour de cassation va plus loin dans la démonstration de sa vision de l'action paulienne, puisqu'elle aborde la question de la condition subjective de l'action qui est normalement la fraude. II L'assouplissement de la conception de l'acte accompli en fraude des droits du créancier comme condition subjective de l'action paulienne Il s'agit d'observer la prise en compte de la conscience du débiteur dans la prise d'actes portant atteinte aux droits du créancier pour analyser par la suite la question de la fraude du tiers qui est abordée dans cet arrêt La conscience du débiteur dans la prise de l'acte enclenchant un dommage du créancier La Chambre commerciale de la Cour de cassation affirme que le gérant avait favorisé sciemment l'évasion du seul élément d'actif garantissant la créance fiscale en y substituant une somme d'argent facile à dissimuler Avec cette assertion, la Cour donne une réponse au moyen sur lequel s'était fondé le débiteur en avançant l'idée qu'« il y avait eu un appauvrissement conscient du débiteur poursuivi afin de se libérer de l'opposabilité de la cession accordée par la Cour d'appel au créancier. [...]
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