Chambre commerciale de la Cour de cassation, arrêt du 11 avril 2012, erreur sur les motifs du contrat, commentaire d'arrêt, crédit-bail, personne morale commerçante, infirmière libérale, cause de nullité, réforme du droit des obligations du 10 février 2016, article L.483-2 du Code de commerce, caractère excusable de l'erreur, articles 1132 et 1135 du Code civil
Le 11 avril 2012, la Cour de cassation, en sa chambre commerciale, a consacré une décision à l'appréciation de l'erreur substantielle et de l'erreur sur les motifs. En l'espèce, une infirmière libérale a fait l'acquisition de matériel médical ; elle a conclu deux crédits-baux auprès d'un établissement bancaire et deux autres auprès d'une personne morale commerçante. Seulement, à compter du mois de novembre 2003, l'infirmière libérale a cessé d'honorer ses loyers. La personne morale commerçante lui a notifié la résiliation des contrats et a fait procéder à la saisie des matériels qui ont été revendus. Le tribunal d'instance a déclaré recevable l'opposition de l'infirmière aux ordonnances d'injonction de payer prononcées à son encontre.
La crédit-preneur a saisi le tribunal de grande instance en annulation des contrats de crédit-bail, en raison d'une erreur substantielle et a recherché d'autre part à mettre en cause la responsabilité du crédit-bailleur, en l'espèce la personne morale commerçante, pour manquement à ses obligations d'information et de conseil. La cour d'appel de Bordeaux a débouté la crédit-preneur de ses griefs, par un arrêt du 7 décembre 2010 ; la crédit-preneur s'est pourvu en cassation. La crédit-preneur faisait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en annulation des contrats conclus avec la personne morale commerçante, aux moyens que : toute caractéristique de l'objet du contrat compris dans l'accord de volonté est considérée comme un élément essentiel.
[...] Or, un professionnel libéral peut-il être extérieur à la pratique des affaires en ce qui concerne ses fournisseurs de matériels ? La doctrine ne s'accorde pas sur ce point : « en sa qualité d'infirmière libérale, elle était une emprunteuse avertie qui ne pouvait se prévaloir d'un devoir de mise en garde à l'égard du crédit-bailleur »[34]. De plus, l'infirmière n'oppose pas l'argument d'une quelconque lésion quant à la valeur du crédit-bail, ce qui est pourtant : « une caractéristique essentielle »[35] pour la Cour de cassation. [...]
[...] Dès lors, il est nécessaire que la Cour distingue entre des faits substantiels et de simples motifs. La substance de la chose est appréhendée in concreto par la Cour[7]. Il n'est donc pas possible de lui attribuer une définition. Cependant, de manière générale, cette notion est comprise comme l'essence de l'objet : ce qu'il est tant par sa matière que ses caractéristiques propres. C'est une appréciation in concreto que les juges doivent entreprendre ; par exemple, la Cour a considéré qu'il y avait erreur sur la substance lorsqu'une pouliche de course qui était proposée contractuellement n'était finalement qu'une jument en gestation[8]. [...]
[...] En effet : « l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable »[36]. Le problème majeur de cette approche est la difficulté de prouver l'intention dolosive du crédit-bailleur. De plus, les deux parties de l'accord sont professionnelles, il n'y a pas de déséquilibre apparent des capacités relatives au monde des affaires. Or, l'obligation d'information est consacrée lorsqu'il y a un déséquilibre entre un professionnel et un profane qui est considéré comme une partie plus faible[37]. D'un point de vue pratique d'autre part : « pour que le banquier (ou le financier) soit tenu d'une obligation de conseil ou de mise en garde, encore faut-il qu'il dispose de renseignement sur la situation financière de l'emprunteur ? [...]
[...] Il est donc nécessaire que la jurisprudence soit concordante. Cette méthode présente un risque dans la mesure où la jurisprudence divergerait. Or le principe de ce raisonnement est de se fonder sur des décisions passées pour statuer sur des espèces nouvelles. Il est tout de même à remarquer que cette méthode est analogue, plutôt synonyme, à la méthode du jugement en équité, à l'exception près que la décision du juge repose sur un texte de loi. Seulement, en l'absence de définition par ce dernier, donc de limite posée à la notion, ces deux méthodes pourraient être qualifiées d'analogues. [...]
[...] Il convient d'autre part de relever un élément discutable de l'attendu décisoire : « en l'érigeant en condition du contrat ». En effet, le fait de stipuler matériellement un motif au sein de l'accord transforme sa nature. Il devient dès lors une clause pleine et entière du contrat. Dont la violation peut être cause de nullité. L'obligation conditionnelle a été mise en avant par la réforme, elle est définie par le premier article du chapitre concernant les modalités de l'obligation : « lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain »[16]. [...]
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