Le professeur émérite de l'université de Panthéon-Assas à Paris, Pierre-Yves Gautier, prononça un jour une phrase, dont l'utopisme tranchera avec le développement qui suit, à savoir que ‘'le contrat ne saurait se réduire à un fondement économique, il comporte une connotation morale, la bonne foi, et les deux doivent être combinés sauf à en faire un instrument mécanique et glacé''.
En l'espèce, les actionnaires de la société Les Maréchaux, MM. X, Y et Z, qui exploite notamment une discothèque, ont cédé, par acte du 18 décembre 2000, leurs participations à M. A, déjà titulaire d'un certain nombre de titres et qui exerçait les fonctions de président du conseil d'administration de cette société.
On retrouve dans cet acte, principalement deux clauses : l'une venant prévoir un complément de prix sous certaines conditions, l'autre venant stipuler que chacun des cédants garantissait le cessionnaire, au prorata de la participation cédée, notamment contre toute augmentation du passif résultant d'événements à caractère fiscal dont le fait générateur serait antérieur à la cession.
Les conditions de chacune de ces deux clauses vont se réaliser, notamment à la suite d'un redressement fiscal intervenu au titre de l'exercice 2000 et les cédants, MM. X, Y et Z vont alors demander à ce que M. A soit condamné à leur payer le complément de prix, conformément à la première clause, tandis que, dans la foulée, M. A adressait une demande reconventionnelle afin que les, désormais, ex-actionnaires, soient condamnées à lui payer une certaine somme au titre de la garantie de passif, conformément à la seconde clause.
Suite à cette introduction d'instance devant une juridiction de premier degré, les juges du fond rendent leur décision. L'appel est interjeté devant la cour d'appel de Paris, qui, le 14 mars 2006, va rejeter la demande de M. A aux motifs qu'il ne pouvait se prétendre créancier de la somme en garantie de passif à l'égard des cédants parce qu'il est de mauvaise foi, c'est-à-dire qu'en tant que dirigeant et principal actionnaire de la société Les Maréchaux, il aurait dû se montrer particulièrement attentif à la mise en place d'un contrôle des comptes présentant toutes les garanties de fiabilité. Ainsi, il ne pouvait ignorer que des irrégularités comptables étaient pratiquées de façon courante dans les établissements exploitant une discothèque, et qu'il avait donc délibérément exposé la société aux risques, qui s'est d'ailleurs réalisée, de mise en œuvre de pratiques irrégulières à l'origine du redressement fiscal invoqué au titre de la garantie de passif.
M. A va donc, dans le délai qui lui est légalement imparti, former un pourvoi en cassation, où la cour suprême va, le 10 juillet 2007, casser et annuler l'arrêt de la Cour d'appel et renvoyer les parties devant cette même cour autrement composée.
M. A demandeur au pourvoi a donc motivé sa demande en précisant que les conditions stipulées dans la clause qui prévoyait la possibilité du paiement en garantie de passif se sont réalisées sans qu'il manque à la bonne foi, contrairement à ce que soutiennent, MM. X, Y et Z défendeurs au pourvoir. En effet, selon M. A l'alinéa 1 de l'article 1134 du Code Civil qui stipule que ‘'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites'', doit primé sur l'alinéa 3 du même article, avancé par les défendeurs, et qui stipule que ‘'les conventions doivent être exécutées de bonne foi''.
Il convient alors de se demander si le principe d'exécution de bonne foi peut ‘'mettre aux oubliettes'' un principe ancré dans l'histoire, à savoir le principe de force obligatoire du contrat .
La chambre commerciale de la Cour de cassation a donc rendu, le 10 juillet 2007, la solution suivante, à savoir que ‘'si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties''.
Après avoir expliqué la prééminence de la force obligatoire du contrat sur l'exécution de bonne foi (I), les justifications à cette prééminence vont venir éclairer notre raisonnement (II).
[...] Cour de cassation, chambre commerciale juillet 2007 : le principe de force obligatoire du contrat Analyse Les faits _Le 18 décembre 2000, les actionnaires de la société Les Maréchaux, MM. Y et qui exploite notamment une discothèque, cèdent, par acte, leurs participations à M. déjà titulaire d'un certain nombre de titres et qui exerçait les fonctions de président du conseil d'administration de cette société. De plus, deux clauses sont stipulées dans cet acte : - Une première vient prévoir un complément de prix sous certaines conditions ; - Une seconde vient stipuler que chacun des cédants garantit le cessionnaire, au prorata de la participation cédée, notamment contre toute augmentation du passif résultant d'événements à caractère fiscal dont le fait générateur serait antérieur à la cession. [...]
[...] Ainsi, littéralement est traduit le caractère obligatoire de l'engagement. De plus, il est précisé que seules les parties doivent exécuter ce qu'elles ont promis. De cette théorie découle donc la force obligatoire des contrats, c'est-à- dire que les individus gardent les mains libres lors de la conclusion d'accords, mais que, en contrepartie, ils s'engagent à respecter leurs engagements. Il découle également un certain principe d'irrévocabilité du contrat qui soumet le juge à une simple interprétation des dispositions, il refuse de lui reconnaitre le droit d'annuler une obligation de l'un des cocontractants. [...]
[...] Cette distinction qui ne répond pas à toutes les interrogations soulevées par la sanction de bonne foi vient tout de même permettre au juge d'annuler certaines clauses. Il s'agit de réparer le préjudice éventuellement engendré par un comportement déloyal. Le droit prévoit ici des mécanismes pour réparer ces préjudices, mais il ne s'agit pas d'annuler totalement les droits comme s'ils n'avaient jamais existé. La Cour de cassation souhaite donc tout de même influer un souffle d'attitude positive, dans la mesure où, désormais, celui qui invoque une ‘'prérogative contractuelle'' devra le faire sans manquer, impérativement, à son devoir de bonne foi. [...]
[...] Légalement : cela rappelle ici la légalité. Le mot est employé à l'alinéa 1 de l'article 1134 du Code Civil qui stipule que ‘'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites'', et que les contractants doivent donc se conformer au droit en vigueur. Convenus : une convention légalement convenue, signifie que cette convention a été le fruit d'un accord entre les parties, régit par la légalité du droit positif. Parties : les parties à un contrat sont les individus qui ont participé effectivement à la conclusion de ce contrat, directement, ou par la voie de représentants. [...]
[...] La hiérarchisation des alinéas 1 et 3 de l'article 1134 : une double interprétation possible L'alinéa 1 de l'article 1134 du Code Civil, on l'a vu, représente donc le principe de force obligatoire d'un contrat. L'alinéa quant à lui oblige les parties à exécuter leurs obligations de façon loyale, en disposant que ‘'les conventions doivent être exécutées de bonne foi''. Si ce texte est apprécié littéralement, il ressort un principe strict selon lequel, le manquement au devoir de bonne foi doit donner lieu à des sanctions. [...]
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