Arrêt du 10 mai 2024, action paulienne, insolvabilité du débiteur, créance délictuelle, recouvrement de créances, fraude paulienne, intention de nuire, liberté de la preuve, article 1342-1 du Code civil, ordonnance du 10 février 2016, réforme du droit des contrats de 2016, principe de créance, charge de la preuve, présomption d'insolvabilité, preuve d'appauvrissement
En l'espèce, un arrêt ayant acquis force de chose jugée de la Cour d'appel de Paris en date du 5 mars 2018 a condamné à une amende de 5 140 200 euros une personne physique pour détention de marchandises importées en contrebande. Une créance délictuelle est donc établie au profit de l'administration des douanes. Par un acte authentique du 18 décembre 2014, le débiteur et son épouse ont consenti une donation-partage à leurs trois filles, certainement par acte notarié, portant sur des parts sociales détenues dans des sociétés civiles immobilières et un bien immobilier.
[...] La certitude de la créance n'existe qu'à l'épuisement des voies de recours donc l'intérêt est de fermer la voie à l'éviction de l'action paulienne par la simple contestation en justice de la créance. Il n'en a pas toujours été ainsi (Civ. 1er1re mai 2013), mais le présent arrêt confirme une solution déjà bien établie (Cass. Com mars 2021). Une évolution peut être remarquée, avec la suppression du terme " certain L'arrêt évoque un principe de créance plutôt qu'un principe certain de créance. Il est difficile d'en déduire une conséquence immédiate mais ce changement de faible ampleur traduit déjà la démarche simplificatrice, voire minimaliste des juges du droit. [...]
[...] Le rappel de la condition d'antériorité de la créance vis-à-vis de l'acte litigieux / de la condition d'une créance de principe antérieure à l'acte litigieux L'action paulienne est classiquement définie comme une action personnelle permettant de rendre inopposable au créancier un montage frauduleux du débiteur pour organiser son insolvabilité. Les motifs de la Cour, comme les moyens du pourvoi, se fondent sur un même article, 1342-1 du Code civil, issus de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations. Le moyen apportait une précision en indiquant que " la cour d'appel a violé l'article 1167 ancien devenu 1341-2 du Code civil La formulation insinue un simple changement de numérotation alors même que le corps du texte a évolué. [...]
[...] La Cour de cassation fait ainsi preuve de souplesse en acceptant que le créancier ne démontre pas une insolvabilité formelle mais seulement apparente. Cela permet d'éviter de rendre l'action paulienne trop difficile à exercer pour les créanciers qui peuvent ne pas avoir une connaissance complète de la situation financière du débiteur. Cette évolution répond aussi à un principe de non-intervention du créancier dans la gestion patrimoniale du débiteur (et à celui de liberté de gestion des débiteurs). Même si l'espèce présentait une situation de mise en ?uvre de l'insolvabilité en adéquation avec l'action paulienne dans sa conception historique, il convient de revenir sur l'assouplissement de la condition de l'insolvabilité, comparable à celle tenant à la fraude. [...]
[...] En outre, l'enjeu de l'action paulienne réside dans la conciliation entre l'indépendance du débiteur, spécialement dans la gestion de son patrimoine, et la protection du créancier. Cette conciliation s'organise entièrement autour de la caractérisation de la fraude puisque le caractère frauduleux de l'acte justifie l'atteinte aux droits du débiteur dans la gestion de son patrimoine. En l'espèce, une donation de plusieurs millions d'euros a été effectuée par les époux envers leurs enfants. La possibilité de rendre inopposable un acte de cette envergure constitue une entrave extrêmement forte au droit de propriété, pourtant absolu (art C. [...]
[...] Si la Cour de cassation revient ultérieurement sur les questions relatives à l'appauvrissement et à l'insolvabilité, il n'empêche que les conditions de mise en ?uvre en elles-mêmes soient réduites à leur plus simple expression. En l'absence de mention d'une insolvabilité, ni même d'un appauvrissement requis, la mise en ?uvre de l'action paulienne semble fortement élargie. La conscience de nuire est une condition moins exigeante que la volonté de nuisance. L'élément intentionnel en ressort déformé : il ne s'agit plus de prouver une volonté, mais seulement une connaissance. [...]
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