Arrêt du 6 juillet 2023, défaut de construction, démolition d'une construction, dommages et intérêts, contrôle de proportionnalité, non-conformité contractuelle, ancien article 1147 du Code Civil, ancien article 1149 du Code Civil, ancien article 1184 du Code Civil, exécution forcée d'un contrat, article 1221 du Code civil, réforme du droit des contrats de 2016, arrêt du 11 mai 2005, abus de droit, article 1231-1 du Code civil, responsabilité contractuelle, équilibre du contrat
En l'espèce, un couple conclut un contrat avec un entrepreneur pour qu'il construise une maison. La réception des travaux a eu lieu le 25 juin 2008, avec des réserves sur le lot charpente. Le couple constate des défauts de conformité, notamment des hauteurs sous-plafond insuffisantes.
Le couple assigne l'entrepreneur et son assureur pour obtenir une indemnisation équivalente au coût de la démolition et de la reconstruction de la maison.
La Cour d'appel de Rennes, le 28 octobre 2021, accueille cette demande et condamne in solidum l'entreprise et son assureur. Elle retient que la non-conformité contractuelle justifie une exécution forcée en nature de l'obligation, considérant que la démolition reconstruction était la seule solution pour remédier aux défauts constatés.
L'entrepreneur se pourvoit en cassation. Il soutient que la cour d'appel n'a pas vérifié si la demande d'indemnisation était proportionnée aux conséquences des non-conformités, qui étaient mineures. Il conteste également le fait que la cour d'appel n'ait pas effectué un contrôle de proportionnalité entre le coût de la démolition et les conséquences dommageables.
[...] Par conséquent, la Cour décide que, désormais, si le juge est saisi d'une demande d'indemnisation correspondant au coût de la démolition et de la reconstruction, il doit être en mesure d'effectuer un contrôle de proportionnalité. En cas de disproportion manifeste, le juge apprécie souverainement les conséquences de l'inexécution. Ainsi, la Cour d'appel aurait dû effectuer ce contrôle de proportionnalité. Dans cet arrêt de principe, la Cour de cassation opère une application de l'ancien article 1184 à la lumière de la réforme de 2016, étendant ainsi le contrôle de proportionnalité qu'elle opère traditionnellement pour l'exécution forcée en nature, à des dommages et intérêts équivalents au coût de la démolition-reconstruction Cette solution s'inscrit ainsi dans une vision plus protectrice des intérêts du créancier tout en garantissant un équilibre avec ceux du débiteur (II). [...]
[...] Bien que la Cour de cassation n'ait pas explicitement mentionné qu'elle avait effectué un contrôle de proportionnalité, elle en avait opéré un. Cette solution est cohérente dans la mesure où, si un contrôle de proportionnalité est effectué lorsqu'une victime demande une exécution forcée en nature, mais pas lorsque la victime demande une compensation financière, les victimes seront dissuadées de demander l'exécution forcée en nature. Cela reviendrait à supprimer efficacement la possibilité d'une exécution forcée en nature, car personne ne la demanderait plus. [...]
[...] En l'espèce, l'exécution forcée en nature, puisque la maison a été construite, mais pas conformément, signifierait qu'il faudrait démolir la maison et la reconstruire, conformément aux stipulations contractuelles, c'est-à-dire en respectant la hauteur sous plafond. Sous l'empire du droit nouveau, le juge doit vérifier si cette démolition-reconstruction n'est pas excessivement coûteuse pour le débiteur par rapport à l'intérêt qu'en retirera le créancier. Or, cet article 1221 date de la réforme, et celle-ci ne s'applique qu'aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016. En outre, le principe en matière contractuelle est la survie de la loi ancienne. [...]
[...] Selon cette logique, la distinction entre une demande de dommages et intérêts pour inexécution d'un contrat et une demande d'indemnisation par équivalent financier reste floue et compliquée. La réforme et les articles 1217 et 1231-1 du Code civil, qui établissent la séparation entre l'exécution forcée en nature et la responsabilité contractuelle, se heurtent à la réalité pratique où le créancier réclame souvent ce qui s'apparente davantage à une exécution forcée par équivalent qu'à une simple compensation pour un préjudice. Cette incohérence dans l'application des principes de responsabilité contractuelle et d'indemnisation par équivalent souligne un besoin crucial d'éclaircir les lignes de démarcation entre ces notions. [...]
[...] Une solution garante d'un équilibre entre les intérêts du créancier et du débiteur La position de la Cour de cassation, bien que contestable, peut être envisagée sous l'angle de la nécessité d'un contrôle de proportionnalité lorsque la demande d'indemnisation est formulée. En effet, l'arrêt mentionne que, si la demande d'indemnisation n'est pas fondée sur l'exécution forcée, il est tout de même nécessaire pour le juge d'évaluer l'impact de cette demande du point de vue des effets demandés sur le débiteur. [...]
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