Cour de cassation, chambre civile, 15 février 2015, recouvrement de créance, acceptation tacite, silence, silence circonstanciel, Talleyrand, Alred Fouillée, Cour d'appel, offre, droit des contrats, hypothèque, société Le Mas, prêt, consentement
En l'espèce, le 10 février 1995, par acte authentique, la société Le Mas s'est portée caution hypothécaire d'un prêt de 200 000 francs consenti à M. et Mme X par René Y, aux droits qui viennent de ses héritiers (les consorts Y) et remboursable au plus tard le 12 août 1995. Le contrat de prêt prévoyait que le créancier ne pouvait pas accorder une prorogation du délai à l'emprunteur, sans le consentement exprès et par écrit de la caution, sous peine de perdre cette garantie. Vu l'absence de poursuite pendant un certain temps par les créanciers en recouvrement de la dette, la société Le Mas a considéré que le créancier a prorogé le délai à l'emprunteur sans son consentement dans la bonne et due forme et a sollicité la radiation de l'hypothèque à laquelle elle avait consenti.
[...] Autrement dit l'acceptant doit agréer au contrat en prononçant un « oui » largo sensu selon l'expression du Talleyrand, un « oui » qui doit être pur et simple et qui ne laisse pas de place pour le doute ou pour une contre-offre. Ce « oui » peut être exprimé tant par un écrit, que par une parole ou par l'exécution des termes de l'offre. Quant au silence, qui représente une absence de réaction de son destinataire, sa valeur affirmative est assez maniable vu qu'il a créé un doute sur l'agrément ou un rejet de l'offre. [...]
[...] La Cour de cassation, dans la volonté de protéger les destinataires des offres d'une pratique déloyale au droit des contrats, a jugé que ce consentement par silence était contre le gré du destinataire de l'offre et ne pouvait pas valablement former un contrat. La vaste pratique des juges du fond dans la matière, mais aussi des juges de cassation qui régulaient l'interprétation des normes juridiques des juges du fond a complété le « vide juridique » que le Code civil de 1804 a laissé et cette jurisprudence sera consacrée plus tard à l'Article 1120 du nouveau Code civil issu par l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 et qui dispose au tout début de son texte que : « Le silence ne vaut pas acceptation ». [...]
[...] Cette ambiguïté du silence fait qu'il est particulièrement difficile à déterminer son sens. La reconnaissance de cette modalité d'expression de l'acceptation est autant plus dangereuse dans une société égoïste composée des hommes qui vont se prévaloir de cette reconnaissance dans des intérêts personnels et ne vont agir dans le cadre du contrat comme des contractants « bona fide ». En outre, conférer au silence une valeur d'acceptation signifierait que tout destinataire de l'offre serait lié en cas d'absence de réponse à l'offre à laquelle il n'a pas consenti et qui irait à l'encontre de la conception d'Alfred Fouillée. [...]
[...] Concernant les usages, certains usages commerciaux, tel que l'absence de contestation d'une facture entre commerçants pendant un certain délai permet de considérer le silence comme une acceptation. Dans la pratique des relations d'affaires, il est possible que les parties signent des contrats de même nature de façon régulière dont le silence n'est plus équivoque et peut valoir acceptation. Une catégorie assez floue reste encore à l'interprétation du juge, qui peut conférer au silence sa valeur d'acceptation lors des circonstances particulières et englobe une multitude des hypothèses, parmi lesquelles le cas où l'offre a été faite dans l'intérêt exclusif de son destinataire (Chambre des requêtes du 29 mars 1938) ou le cas où les circonstances permettent du donner à ce silence la signification d'une acceptation, tel que l'a jugé la 1[re] Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 4 juin 2009 et qui semble incorporer le cas de l'espèce. [...]
[...] Cour de cassation, chambre civile février 2015 - Recouvrement de créance et acceptation tacite Talleyrand disait : « Il n'existe qu'une façon de dire oui, c'est « oui » et toutes les autres façons veulent dire non ». Le droit positif français n'est pas si catégorique que Talleyrand concernant l'expression de l'agrément d'une offre et laisse une place tant pour un accord tacite que pour le silence qui dans certains cas équivaut à l'acceptation et qui posait de nombreux problèmes aux juges de fond quant à l'appréciation de cette hypothèse. [...]
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