Cour de cassation, assemblée plénière, 14 avril 2006 - Une maladie grave dont le débiteur n'avait pas connaissance de l'ampleur au moment de la conclusion du contrat et causant son décès avant l'accomplissement de son obligation constitue-t-elle un cas de force majeure ?

Extraits

[...] La double exigence et la jurisprudence antérieure La jurisprudence antérieure faisait du caractère irrésistible de l'évènement un critère central (1[ère] Chambre civile Cour de cassation 7 mars 1966), voire unique (1[ère] Chambre civile Cour de cassation 6 novembre 2002), permettant l'établissement du cas de force majeure L'Assemblée plénière aurait pu dans cet arrêt rejeter le pourvoi, déclarant que l'irrésistibilité de l'évènement était suffisante pour caractériser un cas de force majeure. Cependant, le Haute juridiction inclut l'imprévisibilité de l'évènement pour établir la présence du cas de force majeure. Ainsi, elle place les caractères d'irrésistibilité et d'imprévisibilité sur un pied d'égalité. La question du moment de l'appréciation de la force majeure Afin de déterminer qu'un évènement constitue un cas de force majeure, le juge doit vérifier que les critères sont respectés. L'appréciation des caractères d'irrésistibilité et d'imprévisibilité se fait à différents moments. [...]

[...] Le créancier fait assigner les héritiers du débiteur en résolution du contrat et en paiement de dommages et intérêts. Les juges de première instance rejettent sa demande de dommages et intérêts. Par la suite, la Cour d'appel de Douai rend un arrêt en date du 12 novembre 2001, confirmant la décision des juges de première instance. L'arrêt retient que la maladie dont le débiteur a souffert revêtait un caractère imprévisible, constituant un cas de force majeure, ne pouvant donc donner lieu à aucuns dommages et intérêts. [...]

[...] Le problème de droit de posant ici est donc le suivant : Une maladie grave dont le débiteur n'avait pas connaissance de l'ampleur au moment de la conclusion du contrat, causant son décès avant l'accomplissement de son obligation constitue-t-elle un cas de force majeure ? La Cour de Cassation déclare que la maladie présentait un caractère imprévisible au moment de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution, et constituait donc un cas de force majeure. En effet, l'incapacité physique résultant de l'infection et de la maladie grave survenues après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible. [...]

[...] En effet, alors que les juges de la Cour de cassation déclarent que l'évènement était imprévisible au moment de la conclusion du contrat, remplissant la condition d'imprévisibilité de l'évènement constitutif du cas de force majeure, le demandeur au pourvoi soutient que l'évènement n'était pas imprévisible au moment où les parties ont convenu d'une nouvelle date de livraison. Ainsi, cette décision de 2006 fait naître l'idée de l'appréciation de l'imprévisibilité de l'évènement, non pas au moment de la formation du contrat mais au cours de l'exécution de ce dernier. [...]

[...] Le caractère imprévisible de l'évènement Le demandeur au pourvoi soutient que la maladie du débiteur revêtait un caractère prévisible, et que ce dernier aurait dû prendre les mesures nécessaires pour éviter la survenance de l'évènement et ses effets. La Cour de cassation déclare que l'évènement constitue un cas de force majeure s'il présente un caractère imprévisible lors de la formation du contrat. Ainsi, l'individu, ici le débiteur, doit ne pas avoir pu prévoir la réalisation de l'évènement et de ses effets, donc des dommages. L'imprévisibilité s'apprécie de façon objective, du point de vue d'un individu prudent et diligent. [...]