Cour de cassation 3e chambre civile 30 novembre 2017, déséquilibres contractuels, Eugène Gaudemet, René Japiot, article 2236 du Code civil, action en nullité, articles 1304 et 2253 du Code civil, statut marital, rupture de l'équilibre contractuel, époux associés, commentaire d'arrêt
Si le monde des affaires est quotidiennement marqué par de bonnes ou mauvaises opérations, en termes de rentabilité, dans les achats et les ventes, ces opérations ne doivent cependant pas être trop bonnes, sous peine de se voir frappées de nullité du fait du caractère dérisoire de leur contrepartie.
En l'espèce, un couple marié sous le régime de la séparation de biens était associés d'une société civile immobilière. En 2000, l'époux a cédé à sa femme la quasi-totalité des parts qu'il possédait de cette société. Par acte du 18 août 2004, l'épouse a rétrocédé à son mari les parts qu'il lui avait cédées antérieurement. La cédante a alors assigné son mari en annulation de la rétrocession pour vileté du prix. Le divorce entre ces deux parties a été prononcé par un jugement du 14 septembre 2012, rectifié le 27 décembre.
Par un arrêt du 21 mai 2015, la Cour d'appel de Nîmes a fait droit aux prétentions de la demanderesse. L'époux a alors formé un pourvoi, considérant d'une part qu'en refusant d'écarter la fin de non-recevoir du fait de la prescription de l'épouse, alors que la nullité pour vileté du prix, étant relative, est soumise à un délai de prescription de cinq ans, et que l'action en nullité, intervenant entre deux époux associés dans la société, n'était pas susceptible de voir son délai de prescription suspendu, sur le fondement de l'article 2253 ancien du Code civil, du fait de leur statut marital, la Cour d'appel de Nîmes a violé les articles 1304 et 2253 du Code civil ; d'autre part, la Cour d'appel de Nîmes a prononcé l'annulation de l'acte de cession du 18 août 2004 pour vileté du prix, alors que celui-ci était intervenu dans le cadre de cessions croisées et réciproques, l'époux ayant cédé, parallèlement à l'acte litigieux, des actions d'une autre société à son épouse.
[...] Le demandeur au pourvoi avait en effet invoqué la péremption du délai de prescription de l'action pour en demander la fin de non-recevoir. Il considérait en effet que l'action en nullité pour vileté du prix de la cession était une nullité relative, soumise à un délai de prescription de cinq ans qui avait été dépassé, soulevant qu'un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul, mais que « cette nullité, fondée sur l'intérêt privé du vendeur, est une nullité relative soumise au délai de prescription de cinq ans. ». [...]
[...] L'époux a alors formé un pourvoi, considérant d'une part qu'en refusant d'écarter la fin de non-recevoir du fait de la prescription de l'épouse, alors que la nullité pour vileté du prix, étant relative, est soumise à un délai de prescription de cinq ans, et que l'action en nullité, intervenant entre deux époux associés dans la société, n'était pas susceptible de voir son délai de prescription suspendu, sur le fondement de l'article 2253 ancien du Code civil, du fait de leur statut marital, la Cour d'appel de Nîmes a violé les articles 1304 et 2253 du Code civil ; d'autre part, la Cour d'appel de Nîmes a prononcé l'annulation de l'acte de cession du 18 août 2004 pour vileté du prix, alors que celui-ci était intervenu dans le cadre de cessions croisées et réciproques, l'époux ayant cédé, parallèlement à l'acte litigieux, des actions d'une autre société à son épouse. La troisième chambre civile a alors eu à répondre à deux questions. D'abord, la suspension du délai de prescription, du fait du mariage, de l'action en nullité pour prix vil ou dérisoire d'une cession de parts sociales s'applique-t-elle lorsque les époux sont tous deux associés de la société en question ? [...]
[...] On pourra de plus noter que cette solution s'articule dans un contexte de double réforme, celle du 10 février 2016 portant sur le droit des contrats en général, mais aussi celle issue de la loi du 17 juin 2008, modifiant les modalités de prescription des actions en nullité. Il s'agira alors d'étudier que la Cour de cassation considère cette action en nullité recevable, là où il lui est reproché d'être obsolète puis qu'elle valide cette nullité sur le fondement de la rupture de l'équilibre contractuel (II). [...]
[...] Mais si seuls sont affectés des éléments secondaires ou réparables au contrat, celui-ci, gangrené, ne peut se voir opposée qu'une nullité relative. S'opposant à cette conception, la théorie moderne des nullités ne se penche pas sur l'importance des conditions du contrat qui n'ont pas été respectées, mais sur l'intérêt protégé par la règle violée par le contrat litigieux. Ainsi, si le contrat viole une règle d'intérêt général, protégeant la société dans son ensemble, alors la nullité de celui-ci doit être absolue. [...]
[...] Cour de cassation, 3e chambre civile novembre 2017 – Les déséquilibres contractuels Si le monde des affaires est quotidiennement marqué par de bonnes ou mauvaises opérations, en termes de rentabilité, dans les achats et les ventes, ces opérations ne doivent cependant pas être trop bonnes, sous peine de se voir frappées de nullité du fait du caractère dérisoire de leur contrepartie. En l'espèce, un couple marié sous le régime de la séparation de biens était associé d'une société civile immobilière. [...]
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