Le contrat de vente est certainement le plus usité de tous. C'est dans ce domaine que la liberté contractuelle, synonyme d'imagination, trouve donc souvent à s'appliquer. Et les pratiques commerciales, notamment les offres promotionnelles, sont une manifestation très illustratrice de cette imagination.
En septembre et octobre 1994, la société Esso a offert aux clients qui lui achetaient au moins trente litres de carburant d'obtenir, moyennant six francs supplémentaires, un album de bandes dessinées de la série Lucky Luke. La société Dargaud éditeur, titulaire des droits d'édition, a alors estimé que cette offre promotionnelle était contraire à l'article ler de la loi du 10 août 1981, interdisant des réductions supérieures à 5 % du prix de référence défini par l'éditeur ou l'importateur.
Devant la Cour d'appel de Versailles, la société Dargaud assigne Esso en concurrence déloyale en raison de la violation de la loi Lang sur le prix du livre. Esso base sa défense sur la qualification de sa vente qui serait une vente de carburant avec prime autopayante à laquelle la Loi Lang ne devrait pas s'appliquer. La Cour d'appel condamne la société Esso qui introduit un pourvoi en cassation.
[...] Devant la Cour de cassation, la société Esso avance deux moyens. D'abord, la Cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil et l'article L121- 35 du Code de la consommation en distinguant dans la vente de carburant avec prime autopayante deux opérations juridiques distinctes. Ensuite, elle lui reproche de n'avoir considéré que le prix de vente apparent du livre sans considérer le prix effectif. La haute juridiction rejette le pourvoi, confirme l'arrêt de la Cour d'appel statuant sur une opération consistant à proposer à tout client achetant une certaine quantité de carburant d'obtenir, moyennant une somme supplémentaire, un album de bandes dessinées, une cour d'appel, qui a constaté qu'en l'espèce, l'achat de carburant n'imposait pas celui d'un livre et que la remise d'un album était obtenue en contrepartie du versement d'une somme d'argent, en a justement déduit que l'obtention de la prime constituait une vente distincte de l'achat de carburant, peu important que sa conclusion soit consécutive à celle du contrat de vente, de carburant Le juge de cassation confirme la succession de deux ventes apparemment distinctes ce qui logiquement le force à la seule considération du prix apparent dans le cadre d'une revente de livre (II). [...]
[...] Le lien est étroit entre les deux opérations. D'ailleurs, même si certains peuvent refuser l'idée selon laquelle le prix n'existe que pour liciter la prime, la modicité du prix ne peut s'expliquer que parce que celui-ci est économique pris en compte avec le prix de la vente de carburant. Esso considère le prix à travers à travers l'ensemble contractuel que constitue la vente d'essence et la vente du livre, au-delà du prix apparent du livre elle comptabilise le prix effectif du tout. [...]
[...] Subsidiairement nous pouvons observer que la société Esso doutait de l'applicabilité de la loi Lang aux offres promotionnelles alors qu'il n'y a pas de doute de la jurisprudence à ce sujet. Si la société Esso avait avancé comme argument que la vente du carburant et du livre formait un contrat de vente à lots, il est possible que l'issue du litige ait pu être différente. L'opération promotionnelle aurait pu être prise en compte dans son ensemble sans distinguer deux ventes. [...]
[...] Une vente est parfaite dès lors qu'il y a accord sur le prix et la chose, manque donc le prix, celui-ci est fixé à 6 francs. Par conséquent, nous avons une vente. Sans un prix il n'y aurait pas de vente de livre. Il n'y aurait qu'une vente de carburant avec comme prime un livre ce que, sous peine l'ilicéité, la Société Esso ne pouvait faire. Le prix, comme l'option d'achat, n'est pas un indice de la divisibilité de l'opération promotionnelle, mais le contraire. [...]
[...] Le client d'Esso sous conditions dispose d'une option d'achat. La juridiction considère celle-ci comme un indice de la non-connexité des ventes, et ce, sans égard pour les conditions de l'option d'achat, indice de la connexité des ventes. L'option d'achat indiquerait la non-connexité des ventes. Elles seraient distinctes l'une de l'autre. En effet, le raisonnement est le suivant : lorsqu'un client de la station essence fait un plein d'au moins trente litres Esso lui donne la possibilité d'acheter une Bande dessinée pour 6F de plus. [...]
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