Cour de cassation, 1re chambre civile 3 juillet 1996, conclusion d'un contrat, contrat synallagmatique, mouvement de subjectivisation, cause subjective, contrôle de licéité de la contrepartie, économie du contrat, sécurité contractuelle, commentaire d'arrêt
La Cour de cassation a rendu, le 3 juillet 1996, un arrêt relatif à l'absence de cause dans un contrat synallagmatique. En l'espèce, un contrat de location de cassettes est conclu entre une Société, qui prête les cassettes, et des entrepreneurs qui projettent d'ouvrir un vidéo club. Cependant, les résultats économiques de ce vidéo club sont clairement déficitaires, les entrepreneurs réclament ainsi la nullité du contrat pour défaut de cause.
[...] La doctrine s'est divisée à la suite de cet arrêt. La majorité des juristes ont avancé qu'un mouvement de subjectivisation de la cause objective avait eu lieu, c'est-à-dire que le juge s'est contenté de contrôler l'équivalence des contreparties, tout en prenant compte du but avancé par les contractants. D'autres ont expliqué que cet arrêt consacre la fin de la dualité conceptuelle de la cause, qui n'est désormais que subjective. Par la suite, la jurisprudence a évolué en tempérant dans un premier temps cette subjectivisation puis en y mettant fin, notamment par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 juin 2009, en indiquant que « la cause de l'obligation d'une partie à un contrat synallagmatique réside dans l'obligation contractée par l'autre. » Ce mouvement de subjectivisation a néanmoins entraîné des conséquences juridiques importantes en matière de droit des contrats, notamment au niveau du contrôle de licéité exercé par le juge. [...]
[...] En effet, si le concept n'est plus expressément mentionné dans les textes, le mécanisme demeure, notamment en ce qui concerne l'article 1169 du Code civil qui dispose qu'un « contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. » Cet article ne protège absolument pas d'une résurgence du mouvement de subjectivisation de la cause objective en permettant au juge de pouvoir annuler un contrat si la contrepartie est illusoire ou dérisoire, autrement appelé jadis le défaut de cause. Ce mouvement est critiqué par la doctrine française, qui contreviendrait selon elle à la sécurité contractuelle. Le juge bénéficierait d'une marge de manœuvre beaucoup trop importante, au point de mettre à mal la prévisibilité de sa décision. Si la notion « d'économie du contrat » est certes floue, la décision rendue par le juge le sera encore plus. [...]
[...] La Cour de cassation se demande alors si les motifs déterminants à la conclusion du contrat peuvent motiver l'absence de cause d'un contrat synallagmatique. La Cour répond par l'affirmative, en déclarant que « l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties était impossible, la cour d'appel en a exactement déduit que le contrat était dépourvu de cause. » Elle rejoint donc la solution retenue par la Cour d'appel, en retenant la non- viabilité du projet comme une absence de la contrepartie de l'obligation présente dans le contrat, c'est-à-dire une absence de cause. [...]
[...] D'une part, la cause subjective du contrat, qui réside dans le but du contrat au sens dit « lointain », c'est-à-dire le mobile déterminant qui ont poussé les contractants à s'engager. La volonté des canonistes était d'instaurer une certaine moralité dans le but du contrat, ce qui est retranscrit dans cet article 1131 du Code civil. En effet, il écarte les contrats fondés sur une cause dite « illicite », ce qui suppose un contrôle de licéité de la part du juge. D'autre part, il existe la cause dite objective du contrat. [...]
[...] Le juge utilise le concept de contrepartie réelle pour avancer l'argument économique, ce qui étend la notion de cause. Or cette appréciation très extensive du concept de la cause est critiquée par une partie de la doctrine, qui y voit une atteinte à la sécurité contractuelle. B. La subjectivisation de la contrepartie, une atteinte à la sécurité contractuelle La réforme du droit des contrats de 2016 a mené à la suppression de l'article 1131 ancien du Code civil, mais aussi à la notion de cause. [...]
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