Protection des patients, commentaire d'arrêt, faute, défectuosité, responsabilité
La Cour de cassation considère que la responsabilité sans faute des établissements de santé est complémentaire à celle du producteur d'un produit défectueux, dès lors qu'il est fait défaut de l'identification du fournisseur ou du producteur de ce produit.
Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté par la première chambre civile de la Cour de cassation, en date du 26 février 2020 (n° 18.26-256), un patient s'est vu poser deux prothèses de hanche, sur chacune de ses jambes, en date du 15 octobre 2004 et du 4 mai 2005, par un chirurgien libéral. Toutefois seulement trois années après la pose de la première prothèse de hanche du patient, ce dernier est victime d'une chute, celle-ci étant directement causée par le dérobement de sa jambe droit, lui-même dû à la rupture de la prothèse de hanche droite. À la suite de cet accident, le chirurgien exerçant à titre libéral a procédé au changement de la tige fémorale de cette prothèse défectueuse.
Toutefois et malgré cette nouvelle opération, il est fait mention que le patient a subi des préjudices consécutifs à sa chute; il a demandé une expertise judiciaire sur la base duquel il a assigné en responsabilité et en indemnisation à la fois le chirurgien libéral qui l'a opéré et a posé ses deux prothèses dont l'une défectueuse, et le producteur de la prothèse en cause.
[...] En vérité, si l'ensemble des produits de santé, du fait même de leur complexité, sont en mesure de présenter des dangers sans que ces mêmes dangers ne puissent permettre, intrinsèquement, à caractériser leur défectuosité, dès lors que l'aléa, le risque se produit de manière singulière, alors la solution retenue est différente. Cela est bien le cas dans cette décision puisqu'il fut retenu que la prématurité de la réalisation de cet aléa a pu permettre de caractériser l'existence d'un défaut dans la prothèse concernée. En fait, plus précisément, le patient était tout à fait légitime à attendre que le produit qui lui a été implanté ne cède pas seulement trois années après l'opération. Forte de ces considérations, la première chambre civile rejette le pourvoi formé par le producteur du produit. [...]
[...] Si la Cour de cassation a relevé que cette rupture est l'unique et directe cause des dommages subis par la victime, a contrario, elle n'a retenu la responsabilité du chirurgien libéral, en l'absence de la part de la victime de l'apport de la preuve d'un lien de causalité entre ses dommages et une potentielle faute qui celui-ci aurait commise (II). II. Une réaffirmation prétorienne de la nécessaire commission d'une faute par le chirurgien Cette décision du 26 février 2020 fut l'occasion pour la Cour de cassation de rappeler la nécessaire commission d'une faute par un praticien pour que sa responsabilité utilement soit engagée à l'égard d'un patient victime. [...]
[...] Une divergence de jurisprudences néfaste à la protection des patients En l'espèce, aux points 12 à 14, les juges de la Cour de cassation ont exposé une question importante en la matière puisqu'ils se sont intéressés à la question de la compatibilité de la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985, reprise en droit français par les dispositions de l'article 1245-3 du Code civil, et, le régime particulier de la responsabilité sans faute du service public hospitalier, régime selon lequel le service public hospitalier est responsable de l'ensemble des dommages subis par les usagers de ce service, du fait d'une défectuosité des produits ou appareils de santé utilisés. La Cour a ici retenu que la responsabilité d'un professionnel de santé peut être retenue uniquement pour le cas où celui-ci aurait commis une faute, lorsqu'il a implanté un produit de santé qui s'avérerait défectueux. Néanmoins ce régime juridique est défavorable à la victime dans la mesure où celle-ci doit impérativement apporter la preuve de la commission d'une telle faute par ce professionnel de santé pour que l'engagement de sa responsabilité porte ses fruits. [...]
[...] Elle a ainsi retenu que la responsabilité de plein droit d'un professionnel de santé ou la responsabilité de plein droit d'un établissement de santé, sur le fondement juridique de l'article 1245-6 susvisé, ne saurait être valablement engagée que pour le cas particulier où le producteur n'aurait pu être identifié et pour le cas où ce professionnel, ou l'établissement de santé concerné, n'aurait pas procédé à la désignation du fournisseur ou du producteur, dans un délai déterminé. Et cette dernière, au visa de l'article L.1142-1 susmentionné, a retenu que cette responsabilité ne saurait être recherchée ni même être reconnue explicitement si une faute n'a pas été commise dans le cadre d'un acte de prévention, de diagonistic ou de soin, et ce, sans considération aucune d'un quelconque défaut inhérent au produit de santé utilisé et implanté auprès d'un patient (point 9). Elle confirme alors ici une jurisprudence antérieure qui décidait en ce sens (voir Cass. [...]
[...] Défectuosité d'un produit et appréciation souveraine des juges du fond La Cour de cassation, dans le cas de l'espèce ici jugé et rapporté, rappelle les conditions permettant de déterminer qu'un produit de santé, en présence d'un dispositif médical, est défectueux. Cette détermination de la défectuosité en cause relève bien de l'appréciation, « des constatations et énonciations souveraines » des juges du fond (point n° 5 de la décision). Pour reconnaître l'unique responsabilité de droit du producteur de la prothèse litigieuse, dans le cas de l'espèce la Cour de cassation s'est basée sur les articles 1245 et suivants du Code civil qui intéressent le régime juridique de la responsabilité des produits défectueux. [...]
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