Le 6 octobre 2006, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré qu'il n'est pas impératif pour les tiers à un contrat d'apporter la preuve qu'un manquement de nature contractuelle a revêtu, à leur sujet, une faute extracontractuelle, pour qu'ils puissent effectivement obtenir la réparation du dommage dont ils se plaignent.
Dans le cas de l'espèce ici jugé et rapporté par la Cour de cassation, il s'agissait de la condamnation par la Cour d'appel de Caen d'un agent immobilier qui avait manqué "à son obligation d'information et de conseil" vis-à-vis de son client et qui avait également causé un dommage à une banque, tiers au contrat concerné entre l'agent immobilier et son client. Un manquement contractuel a donc été commis et la Cour d'appel s'est exclusivement basée sur celui-ci pour condamner le débiteur, à réparer le préjudice dont se plaignait le tiers.
[...] Les tiers ont droit à réparation si un manquement contractuel est caractérisé et si ce manquement leur a causé un dommage. La Cour insiste sur l'importance d'indemniser les tiers pour les dommages subis, même en absence de toute méconnaissance par les contractants poursuivis, par exemple, d'une obligation générale de prudence ou de diligence. Pour elle, faute d'application de ce principe, les tiers pourraient ne pas être indemnisés de leur dommage. Ce principe s'en voit aussi affermi, car l'Assemblée plénière ne distingue pas la nature de l'obligation méconnue par le débiteur. [...]
[...] Par ailleurs, la situation du tiers au contrat est tout à fait paradoxale dans la mesure où cette relativité des fautes contractuelles et délictuelles permet aux tiers d'obtenir réparation sans que des clauses particulières contenues au sein du contrat (il peut par exemple s'agir de clauses limitatives de responsabilité) ne leur soient opposées alors que les créanciers contractuels, pour leur part, peuvent se voir opposer de telles clauses. La situation des tiers, victimes d'un dommage causé par un manquement contractuel, que ce manquement consiste en l'inexécution ou la mauvaise exécution d'une obligation contractuelle, est donc avantageuse par rapport à la situation personnelle des créanciers contractuels. B. [...]
[...] Un manquement contractuel peut donc être invoqué par eux, sur le seul fondement de la responsabilité délictuelle, si celui-ci leur a causé un dommage. Toutefois, dans le cas de l'espèce, la Première chambre civile remet ce principe en cause et refuse de l'appliquer. Elle retient que la Cour d'appel n'a pas caractérisé ce en quoi le manquement contractuel relevé « constituait une faute quasi délictuelle à l'égard [du tiers] ». La Cour apparaît critiquer le fait que les tiers peuvent tirer avantage des responsabilités contractuelles et extracontractuelles, en se prévalant notamment d'une inexécution contractuelle sans même que les clauses contenues dans ledit contrat ne puissent lui être opposées alors que les créanciers victimes d'une inexécution ou d'une mauvaise exécution du contrat se verraient opposer ces stipulations contractuelles. [...]
[...] Les autres tiers, en dehors de toute relation contractuelle, devraient agir exclusivement sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Ils devraient alors apporter la preuve qu'une faute de nature délictuelle fut commise par un débiteur contractuel et qui, parce qu'elle a été commise, leur a causé un préjudice. La conséquence juridique serait remarquable, car les premiers verraient leur situation impactée par l'intégralité du régime de la responsabilité contractuelle (ils pourraient se voir opposer toutes les conditions et toutes les limites de responsabilité que contiendrait le contrat) tandis que les seconds agiraient contre le débiteur contractuel sur le seul terrain de la responsabilité délictuelle. [...]
[...] Si la Cour de cassation dans cette décision du 15/12/2011 a altéré le principe d'équivalence existant entre les fautes de nature contractuelle et extracontractuelle, il semble cependant que ses conséquences juridiques et pratiques seraient somme toute restreintes (II). II. Les conséquences juridiques et pratiques restreintes d'une telle distinction Si cette décision a remis en cause ce principe de l'identité des fautes extracontractuelles et contractuelles, sa portée semble fortement circonscrite d'autant plus que l'avenir de cette règle apparaît incertain au regard des projets de réforme de la responsabilité civile A. [...]
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