Depuis l'apparition du Code civil en 1804, et jusqu'à aujourd'hui, le droit des contrats a dû évoluer pour s'adapter à notre époque. Ainsi, alors que la doctrine a longtemps fait reposer le contrat sur le principe de l'autonomie de la volonté, ce principe a depuis été remis en cause, et la volonté des contractants considérée comme toute puissante s'est vu tempérer par l'apparition de la notion d'abus dans les contrats, et plus précisément celle de clause abusive.
La jurisprudence civile concernant ce type de clause est relativement récente, du fait que la notion légale de clause abusive n'est apparue qu'avec la loi Scrivener du 10 janvier 1978, et que les décrets visant avec précision les clauses abusives que les juges pouvaient se permettre de supprimer ont été très rares. Et c'est devant l'apparente inefficacité de cette loi que la Cour de cassation a rendu un arrêt daté du 14 mai 1991, consacrant un pouvoir autonome du juge de supprimer les clauses abusives, même sans intervention préalable d'un décret.
En l'espèce, il s'agissait d'un photographe amateur qui avait confié à un laboratoire de développement de photographies, la société Minit Foto, un lot de 18 diapositives pour en obtenir une reproduction sur papier. Le photographe signe alors un bulletin de dépôt de ses diapositives. Inexplicablement, la société a égaré les diapositives, et le photographe a alors assigné la société en justice pour obtenir réparation. Par un jugement du 28 septembre 1989, le Tribunal d'Instance de Béthune donne raison au photographe et condamne la société à 3000 F de dommages et intérêts. La société se pourvoit alors directement en cassation.
[...] Cet arrêt consacre ainsi un nouveau comportement du juge vis-à-vis des clauses abusives. II) Un comportement nouveau du juge par rapport à la loi Scrivener La Haute juridiction civile va effectivement vouloir pallier à l'inefficacité de la loi Scrivener en y dérogeant volontairement, en déclarant abusive une clause qui n'était alors pas visée par un décret la Cour de cassation, si elle s'autoproclame capable de repérer et d'annuler une clause abusive, semble pourtant appeler le législateur et le pouvoir réglementaire à intervenir sur la question Une clause déclarée abusive sur la base de la loi, mais en l'absence de décret Les juges de première instance ainsi que la Cour de cassation vont ainsi délibérément baser leur décision sur la loi Scrivener du 10 janvier 1978, mais en supprimant une clause non prévue par un décret comme le veut cette même loi. [...]
[...] La Cour de cassation s'arroge par cet arrêt un pouvoir autonome d'annulation des clauses qu'elle juge abusive. L'arrêt va ainsi à l'encontre de la loi, tout en voulant respecter l'esprit de celle-ci, qui s'était fixé pour but la protection des consommateurs contre les clauses abusives. La Cour de cassation sanctionne alors et explicitement l'abus de la société du fait de sa position économique. L'abus de position du laboratoire Dans son arrêt, la Cour de cassation mentionne ainsi que la société, du fait de sa position économique pouvait imposer à ses clients une telle clause. [...]
[...] La Cour déclare même concernant la clause litigieuse que la société se trouvait en mesure de l'imposer à sa clientèle du fait de cette position économique. L'idée cachée derrière cette formulation, là encore hypothétiquement, semble être la condamnation d'une certaine mauvaise foi de la société, qui plus est dans un contrat d'adhésion. En effet, le client n'avait pas ici la possibilité éventuelle de négocier le contrat, et il a choisi de contracter avec la société en supposant sa bonne foi. [...]
[...] Sans le dire, la Haute juridiction civile a volontairement écarté la condition du décret prévue par la loi Scrivener, et s'est ainsi arrogé un pouvoir autonome de suppression des clauses qu'elle juge abusives. Une telle jurisprudence est pourtant moins un acte de résistance à la rigidité et à l'inefficacité de la loi qu'un appel lancé au législateur et au pouvoir réglementaire pour qu'ils revoient la question des clauses abusives. Un appel de la juridiction civile au législateur et au pouvoir réglementaire ? [...]
[...] Cette jurisprudence fut ainsi entendue et confirmée par une loi du 1er février 1995, transposant une directive communautaire du 5 avril 1993. La clause abusive se trouve alors définie à l'article L132-1 du Code de la consommation, et la loi de 1995 vient consacrer le rôle du juge civil, dont le pouvoir de supprimer les clauses abusives est donc légalement reconnu. Et récemment, par une loi du 4 août 2008, ce nouveau système a été modifié, loi qui crée une liste noire et une liste grise des clauses respectivement déclarées et présumées abusives, avant qu'une liste définitive ne soit dressée. [...]
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