La société DPM conclut, avec les époux Piller, un contrat de création d'un « point vidéo club » et de location de cassette. Ainsi, les époux Piller installent un distributeur de cassette vidéo en rase campagne et louent au fournisseur (la société DPM) 200 cassettes pour 8 mois moyennant une somme de 40 000Fr HT. Cependant, l'activité s'avère n'être absolument pas rentable. Les époux Piller saisissent alors le Tribunal de Grande Instance en demande d'annulation du contrat.
Le TGI annule le contrat de location de cassette passé entre la société DPM et les époux Piller pour erreur. La société DPM interjette appel auprès de la Cour d'appel de Grenoble qui va confirmer la décision du TGI par son arrêt du 17 mars 1994 en annulant le contrat pour défaut de cause au motif que la cause, «mobile déterminant de l'engagement de ces derniers, était la diffusion certaine de cassettes auprès de leur clientèle ». Néanmoins, selon la CA, cette « exploitation était vouée à l'échec » dans une commune de seulement 1314 habitants. La société DPM forme alors un pourvoi en cassation auprès de la première chambre civile de la Cour de cassation estimant que les juridictions précédentes n'ont pas tenu compte du fait que « dans un contrat synallagmatique la cause de l'obligation d'une partie repose dans l'obligation de l'autre partie ». Ici la cause de l'engagement était donc la mise à disposition de cassettes vidéo et non la diffusion certaine de ces cassettes, qui constituait en fait le motif déterminant de l'engagement et non la cause.
Doit-on reconnaitre une définition objective et donc restrictive de la cause du contrat ou progresser vers un renouveau de cette définition en adoptant une conception plus subjective ?
La cour de cassation rejette le pourvoir formé par la société DPM par son arrêt du 3 juillet 1996. En effet, « s'agissant d'un contrat de location de cassettes vidéo pour l'exploitation d'un commerce, l'exécution du contrat selon l'économie voulu par les parties était impossible. ». Il apparaît que l'engagement de payer la location des cassettes vidéo par les époux ne leur procure aucune contrepartie réelle, aucun bénéfice car peu de personnes empruntent des cassettes au « point vidéo ». Le contrat est donc dépourvu de cause.
Par cet arrêt du 3 juillet 1996, la définition de la cause, classiquement utilisée dans la jurisprudence, et reposant sur la conception libérale (I), semble subir une inflexion dans le sens de la théorie solidariste pour un renouveau de cette définition (II)
[...] Ainsi, il y a défaut de cause ici car il parait évident pour la cour d'appel que l'exploitation d'un point vidéo dans une commune rurale de seulement 1314 habitants était vouée à l'échec B. La raison de ce revirement réside essentiellement dans la volonté grandissante des juges de sanctionner des contrats déloyaux L'inflexion de la cour d'appel de Grenoble va ainsi entrainer la cour de cassation à opérer un revirement de jurisprudence en faveur de la thèse solidariste. Cette théorie longtemps écartée car elle est sources de nombreuses difficultés. [...]
[...] Cette cause doit non seulement exister mais elle doit également être licite et ne pas constituer un abus dans la liberté de contracter. L'une des questions faisant débat au sein de la doctrine civiliste est l'existence de cette cause qui se traduit par des définitions plus ou moins restrictives selon la théorie abordée. Tous s'accordent sur le fait que cette cause doit véritablement exister. En effet, en vertu de l'article 1131 du Code civil, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. [...]
[...] Il s'agissait donc pour traduire ces considérations en termes causalistes d'adopter une conception subjective de la cause En étendant la notion de cause aux motifs déterminants de l'engagement des partis, la Cour d'appel a dès lors, opéré un revirement vers la conception solidariste de la cause. Cette conception est plus large, plus lointaine et plus subjective. Elle a été exposée en 1920 par Henri Capitant et d'autre part par Jacques Maury et est principalement visée à l'article 1133 du Code civil. [...]
[...] En effet, selon eux, dans un contrat synallagmatique, la cause de l'obligation d'une partie réside dans l'obligation de l'autre partie Ici, la cause de l'engagement des époux Piller était effectivement la mise à disposition des cassettes vidéo. La société rappelle également que selon la théorie retenue, les motifs déterminants ne peuvent constituer la cause du contrat que dans le cas - non relevé par les juges du fond - où ces motifs sont entrés dans le champ contractuel Ainsi, elle fait apparaitre la réelle distinction qui existe dans la théorie de l'autonomie de la volonté entre la cause et les motifs Cette conception absolument restrictive de la cause ne laisse que peu de place à des recours pour absence de cause car le moindre élément, le plus petit élément constitutif d'une justification du contrat est considéré comme une cause. [...]
[...] Ainsi le nouveau principe d'économie du contrat offre certes plus de possibilités pour des recours en annulation pur défaut de cause et semble augmenter la protection du contractant. [...]
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